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5e numéro de la revue Cygne noir : Sémiotique et écologie

Appel de texte

Depuis quelques années, les cigognes blanches que l’on observe au Portugal, qui normalement migrent vers le sud l’hiver venu, se sont partiellement sédentarisées. Cet important changement dans leur comportement migratoire ne serait pas dû aux seuls changements climatiques ; on en impute la faute à la multiplication des décharges à ciel ouvert qui procurent à ces échassiers des ressources alimentaires abondantes moyennant peu d’efforts, les incitant ainsi à annuler leur voyage annuel. Ce cas paradigmatique montre qu’une certaine forme de liberté interprétative de son environnement (Umwelt) joue en faveur ou en défaveur de l’animal dans l’établissement de comportements interactifs avec son milieu. Le cas des cigognes proposé présente aussi l’avantage d’être corrélé à une détérioration de leur milieu de vie résultant d’une dépréciation, de la part des sociétés humaines industrielles, de la richesse naturelle des milieux écologiques. Ainsi sont déployés les deux principaux volets de cet appel, qui propose d’étudier : 1) les schémas de relation des organismes à leur environnement (qu’il s’agisse d’humains ou d’autres espèces, ou encore de schémas de relations interspécifiques, comme c’est le cas le plus souvent dans l’étude des relations écologiques), leurs implications et leurs conséquences ; à travers 2) l’écosémiotique, ou l’étude du « rôle de la perception environnementale et de la catégorisation conceptuelle dans la modélisation, la construction et la transformation des structures environnementales ». Cette approche est non limitative et non normative : il s’agit de montrer quelle sapience particulière le rapprochement des champs d’étude de la sémiotique et de l’écologie permet de développer, que ce soit pour l’analyse d’un cas, d’un objet ou d’un terrain précis, ou du point de vue de la correction des modèles d’analyse déjà existants dans les domaines de la sémiotique, de l’écologie ou ailleurs.

Les dynamiques d’action des systèmes vivants, dont nous sommes, reposent sur le sens que ces systèmes produisent en manipulant des signes (émission, réception, interprétation) : leur schéma comportemental et développemental en dépend. L’écosémiotique propose d’étudier les écosystèmes en tant que systèmes sémiotiques de communication. Tout système vivant répond d’une logique écosystémique, donc sémiotique : l’univers social humain comme l’humain lui-même ; le milieu animal comme l’animal en son sein. L’interdépendance de l’organisme avec son milieu force la reconnaissance des structures sur lesquelles repose leur relation. Ce schéma de relation correspond prioritairement à un modèle de communication d’ordre prélinguistique (biosémiotique). Or, chez l’humain, un système de modélisation supplémentaire – fait de codes culturels et de mémoire non génétique – se superpose, modèle que Juri Lotman a théorisé à travers le concept de sémiosphère. La synthèse biosémiotique contemporaine repose sur la complémentarité des théories lotmaniennes et des recherches pionnières de Jakob von Uexküll sur l’Umwelt. Pour Uexküll, l’existence d’un organisme présuppose l’existence de son environnement. Plus près de nous, le théoricien de la perception James J. Gibson reprend cette idée : « Aucun animal ne pourrait exister sans un environnement. De même, bien que cela soit moins évident, l’environnement est toujours environnement d’un animal (ou au moins d’un organisme). » Ce qu’on appelle la nature n’a d’existence signifiante qu’en tant qu’environnement. Ainsi, le pouvoir des signes tient à cela qu’ils sont tout à la fois naturels et culturels. Ils ne sont pas la propriété exclusive de l’espèce humaine. Restreindre l’activité signifiante à la sphère humaine correspond à un anthropocentrisme qu’on ne saurait trop dénoncer ; anthropocentrisme pourtant toujours dominant auquel on peut sans doute imputer une part de responsabilité quant à l’état présent de notre planète en cette ère que l’on commence à peine à nommer anthropocène.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis qu’Ernst Haeckel a proposé, le premier, le terme d’écologie pour nommer « la science des relations des organismes avec le monde environnant, c’est-à-dire, dans un sens large, la science des conditions d’existence. » Peut-on, aujourd’hui, prendre la pleine mesure de cet énoncé et s’aviser d’analyser de manière critique les implications de l’interdépendance des organismes à leur milieu par les moyens que met à notre disposition la sémiotique? L’écologie sémiotique doit pouvoir rendre compte non plus seulement de « la vie des signes au sein de la vie sociale », mais aussi bien des interactions naturelles en ce monde « perfusé de signes, sinon composé exclusivement de signes ». L’écosémiotique, la biosémiotique, l’éthosémiotique, la zoosémiotique ou encore la phytosémiotique, qui sont autant de branches de la sémiotique générale, proposent (de manière complémentaire) des voies d’approfondissement de notre compréhension des mécanismes de la sémiose, conçue comme un continuum dynamique et évolutif de la signification supportant la vie elle-même, les populations et leur activité, dont, à un extrême du spectre, la culture humaine. Une critique fondée sur des principes écosémiotiques permettrait-elle d’enrichir l’écologie politique – nourrie peut-être autant d’écosophie, d’écocritique que d’écoféminisme– dont on ne saurait plus se passer désormais?

Nous sollicitons des propositions qui sachent tirer profit de cette thématique afin d’approfondir des aspects théoriques de la pensée sur le signe et l’histoire de son développement et/ou qui proposent l’abord sémiotique de tout objet lié à la problématique exposée ci-avant. Les propositions favorisées 1) contribueront à l’avancement des études sémiotiques ou des disciplines connexes en vertu d’une approche sémiotique ; 2) seront à jour en ce qui a trait aux théories, méthodes et données ; 3) feront la démonstration d’une compréhension – et référeront à – des travaux existants dans le domaine traité. Celles-ci pourront s’inscrire dans l’un ou plusieurs des champs suivants : la sémiotique théorique (épistémologie, études culturelles, sémiotique cognitive, biosémiotique, etc.), la sémiotique appliquée (arts, médias, rhétorique, religions, urbanisme, traduction, éducation, etc.), et peuvent également préconiser une approche in-ter-trans-disciplinaire (anthropologie, philosophie, sociologie, psychologie, esthétique, linguistique, communication, etc.). Pour le comité de sélection, l’originalité attendue d’une proposition n’a de limite que sa pertinence.

Candidatures

Les propositions seront reçues par courrier électronique à l’adresse de la revue redaction@revuecygnenoir.org au plus tard le 1er juin 2016. Veuillez indiquer en objet de votre message : « Proposition : sémiotique et écologie ».

Votre proposition doit comporter :

1. un titre et un court résumé (500 mots maximum) ;
2. une courte notice biographique (250 mots maximum) incluant les informations suivantes : votre nom complet, votre statut, votre établissement de rattachement et votre département (s’il y a lieu) ainsi que vos coordonnées (adresse courriel au minimum).


Plus d'informations dans l'appel an pièce jointe.

 

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