Vers 1953, Genet est affronté à une expérience cruciale qu’il décrit à deux reprises (d’abord dans « L’Atelier d’Alberto Giacometti » en 1957, puis dans « Ce qui est resté d’un Rembrandt déchiré en petits carrés bien réguliers, et foutu aux chiottes » en 1967) — il en sort bouleversé : "Quelque chose, dit-il, qui me paraissait ressembler à une pourriture était entrain de grangrener toute mon ancienne vision du monde." Cette expérience, c’est le surgissement, dans la coupure d’un instant, de ce qui ne se voit pas, de ce qui n’est pas, au sens strict, repérable, identifiable dans les coordonnées du visible. C’est le surgissement de l’instance du regard en tant que tel qui troue l’image, la décomplète comme unité close où rien ne se perd. Qu’est-ce qui se perd : l’érotisme phallique réduit à un sexe d’homme érigé et turgescent. À la place, une épreuve : celle d’une blessure intime comme trace d’un réel rencontré qui fait de chacun une solitude. Par cette hémorragie imaginaire, son œuvre ne sera pas épargnée et change de direction : elle sera écrite par un « clochard supérieur ».
Hervé Castanet, professeur des universités, est membre de l’École de la Cause freudienne et de l’Association mondiale de psychanalyse. Il est psychanalyste à Marseille où il dirige le Centre psychanalytique de Consultations et Traitements (CPCT). Il a publié plus d’une vingtaine de livres notamment sur les psychoses, la perversion, l’écrivain et dessinateur Pierre Klossowski et les nouages de l’art, de la littérature et de la psychanalyse. Il a créé la revue il particolare – art, littérature, théorie critique en 1999.
L'enregistrement est disponible sur le site de l'Observatoire de l'imaginaire contemporain.