Les personnages de revenant étaient nombreux dans les littératures du XVIe au XIXe siècle (Shakespeare, Beaugrand, Poe, Balzac, Maeterlinck, etc.). Ils communiquaient peu ou indirectement avec les vivants, hantant le monde en tant que présence ambiguë. Relevant plus souvent d’un instant d’hallucination ou de confusion, le revenant dévoilait un bouleversement ou une culpabilité présumée. Depuis les années 1980, les arts narratifs revisitent ces motifs en dépassant l’opposition mort/vivant. Les fantômes, plus sympathiques que menaçants, prennent même les traits de narrateurs ou de narrataires. Énoncer « je suis mort » ou « tu es mort » et faire de cette affirmation le point névralgique d’une histoire semble maintenant possible sans que soit justifiée à outrance cette irrégularité narrative, grammaticale et imaginaire. Si les rites funéraires d’aujourd’hui arrachent la mort à l’ordre du visible — pensons à l’incinération —, les arts narratifs mettent en scène les défunts et leur cadavre avec moins de scrupules. Les morts se racontent, leur apparition laisse entendre une histoire et on s’adresse à eux comme si leur communication avec les vivants relevait du possible. Cette présence massive et incarnée de la mort contraste avec les rites contemporains qui dissimulent le deuil, la superstition, les signes du trépas, la souffrance des survivants et toute anticipation de la mort, qu’elle soit individuelle (maladie mortelle, accident, suicide) ou collective (défunts de guerre, pandémies, extinctions). L’art serait-il l’un des lieux privilégiés pour la transgression des normes expressives relatives à l’angoisse de mort et au deuil ? Notre journée d’étude propose d’explorer les enjeux narratifs, éthiques, esthétiques et psychiques des figures de narrations post mortem dans des œuvres contemporaines de divers genres (roman, autobiographie, arts visuels, théâtre, etc.).
Pour clore la journée, une table ronde d’écrivain·e·s réunira Rodney Saint-Éloi, Céline Huyghebaert et Ying Chen, avec lesquels nous discuterons de la création littéraire comme lieu privilégié pour faire entendre ou pour mettre en scène la voix des morts tout en interrogeant notre relation à eux.
Lien Zoom pour participer à la journée d'études : https://umontreal.zoom.us/j/94639205094?pwd=Y0xIVUZteFE1VENLci94Q21QdDFv...
PROGRAMME
9 h 30-9 h 40 — Mot de bienvenue
9 h 40-10 h 40 — SÉANCE 1 : SCÉNOGRAPHIES DE LA MORT PROJETÉE
Présidence de séance : Catherine MAVRIKAKIS (Université de Montréal)
Simon HAREL (Université de Montréal) – Un désir d’extermination: autophagie et rituel funéraire de la chair à vif dans les écrits d’Antonin Artaud.
Aileen RUANE (Université Concordia) — « Nous verrions notre mort » : mettre en scène la femme, le féminisme et la mort dans Woman and Scarecrow (2006) et La vie utile (2019).
10 h 40-11 h 00 — PAUSE
11 h-12 h 00 — SÉANCE 2 : ÉCOLOGIE DE LA PAROLE SPECTRALE
Présidence de séance : Rosie LANOUE-DESLANDES (Université de Montréal)
Isabella HUBERMAN (Université du Manitoba), « Bonne nuit Eastmain River » : les spectres de l’hydro dans l’art et la littérature d’Eeyou Istchee.
Raphaëlle GUIDÉE (Université de Poitiers, Institut Universitaire de France), « Pourquoi pas ? » Une approche écologique du dialogue avec les morts dans le récit documentaire contemporain.
12 h-13 h 30 — DÎNER
13 h 30-14 h 30 — SÉANCE 3 : RACONTER LES MORTS INTIMES
Présidence de séance : Alex NOËL (Université de Montréal)
Maïté SNAUWAERT (Université d’Alberta, Campus Saint-Jean), La vie, disparaissant : Rachel, Monique... de Sophie Calle.
Catherine PARENT (Université de Sherbrooke, Université Laval), L’outre-vie de Marie Uguay.
14 h 30-15 h 00 — PAUSE
15 h-16 h 00 — TABLE RONDE « Écrire la parole des morts »
Animation : Karine GENDRON et Alex NOËL
Écrivain·e·s invité·e·s : Ying CHEN, Céline HUYGHEBAERT et Rodney SAINT-ÉLOI