Devant la remise en question actuelle de la littérature et des études littéraires, notamment par les tenants de la productivité et de l’efficacité des disciplines universitaires professionnalisantes, certains, dont Jean-Marie Schaeffer et Vincent Jouve, s’engagent à repenser la pertinence du littéraire. Dans leur sillage, et afin de défendre l’importance de la lecture et de l’étude des textes anciens, Yves Citton, dans Lire, interpréter, actualiser (2007), reprend l’argument pragmatiste selon lequel l’activité esthétique de la lecture dégage une puissance de transformation éthique et politique. Contre l’historicisme littéraire institutionnalisé, il appelle à une lecture actualisante de ces textes, visant à exploiter les différences entre l’actualité de la lecture et le contexte historique de l’écriture dans le but d’apporter un éclairage dépaysant sur le présent (2007 : 265).
Un plaidoyer est ainsi proposé pour un déplacement du cadre théorique historique vers une herméneutique de l'anachronie qui articulerait l’activité de lecture à la réflexion ontologique et à la configuration des formes de vie contemporaines. Face au littéralisme politique, les lectures actualisantes décloisonneraient les différents champs réflexifs conditionnant nos manières de penser et d’appréhender le réel.
Citton cherche à faire advenir la résistance à partir de l’esthétique du texte à proprement parler – c’est-à-dire dans le potentiel connotatif et antaxique des mots, des rythmes syntaxiques, des points de vue narratifs, des détournements antiphrasiques – qu’un texte ancien permet de faire résonner dans le présent. La lecture actualisante prend ici la forme d’un espace de négociation des croyances et des valeurs, espace qui s’inscrit au croisement des philosophies du postopéraïsme italien, de la déconstruction, du poststructuralisme et du pragmatisme américain, entre autres. Elle serait ainsi un mode de résistance aux formes de vie qui nous sont imposées par notre époque contemporaine, caractérisée par le capitalisme cognitif, les sociétés de contrôle et la noopolitique des affects.
À partir du concept de lectures actualisantes, ce colloque visera à développer plus largement la question de ces utilisations créatives (Eco, 1992), appropriantes (Citton, 2007) et inspirées (Rorty, 1996) du texte par le lecteur. Il s’agira d’interroger les possibilités et les limites de ce geste interprétatif, oscillant entre l’actualité de la lecture et l’histoire du texte, mouvement duquel devrait jaillir la pertinence de l’œuvre.
Vous trouverez le programme en pièce jointe.
Le colloque sera diffusé en simultané sur le site de l'OIC: http://oic.uqam.ca/fr/evenements/loeuvre-dans-lactualite-de-sa-lecture