Cette journée d’étude offrira un aperçu des avenues de recherche possibles sur les savoirs occultes et alternatifs ainsi que de la diversité des réflexions des chercheur·euses, des étudiant·es, des mages et des sorcières. La formule du speed-colloque est simple et conviviale: chaque communication est d’une durée de cinq minutes et est suivie d’une période de discussions.
Les astronomes de la Renaissance étaient aussi astrologues, et les chimistes d’abord alchimistes. Si la présence de la pensée magique fluctue en fonction des pratiques et des discours théologiques, philosophiques et scientifiques de chaque époque, elle ne s’éteint jamais entièrement. Le speed-colloque du chantier Savoirs occultes et alternatifs vise à réfléchir les systèmes d’interprétation au carrefour de la sémiotique et des croyances alternatives.
L’étude de la philosophie occulte — expression employée par Cornelius Agippa et Paracelse pour désigner un «ensemble de principes, de dogmes et de méthodes» (Alexandrian, 1983: 9) — fait ressortir les mutations épistémologiques du regard et des sensibilités en jeu dans l’émergence de la connaissance. Qu’il s’agisse d’astrologie, de cartomancie, de chiromancie, d’alchimie, de la kabbale ou d’oniromancie, les différents systèmes d’interprétation s’associent à une cosmologie spécifique, à une philosophie de la nature qui conçoit des relations et des correspondances entre les idées et le monde matériel. La croyance en la magie et l’occulte engendre une posture d’interprétation radicalement différente du scientisme contemporain, en recherchant autrement des causes invisibles aux effets physiques. Cette manière d’observer l’univers, en proposant un discours alternatif aux systèmes de pensée hégémoniques, favorise une résistance aux idéologies qui leur sont intrinsèques.
Ce speed-colloque entend créer un espace de réflexion sur les pratiques magiques, ésotériques et divinatoires. Héritières de discours occultés par l’Histoire téléologique des sciences et des religions, la philosophie occulte et ses applications contemporaines font émerger des questionnements sur la manière de concevoir et d’interpréter le monde qui nous entoure. Entre la religion et la science, entre l’irrationnel et le rationnel (Pierre Thuillier, 1997), entre la pensée magique et la pensée pragmatique (Alexandrian, 1983), ces pratiques témoignent aujourd’hui d’une volonté de réenchanter une société dominée par le matérialisme, de redonner une signification à une civilisation qui «souffre de ce qu’on pourrait appeler une faillite du sens.» (David Bohm, 1989: 36)
Ces systèmes de pensée et d’interprétation mobilisent trois axes d’analyse principaux:
1- Systémique, c’est-à-dire le fonctionnement des systèmes occultes comme l’astrologie ou le tarot ainsi que les principes interprétatifs que sous-tendent ces systèmes;
2- Phénoménologique (magie, vision, prévision), expérientiel et pragmatique (usages, effets et expériences). Cet axe englobe les questions de croyances, d’expériences spirituelles, de perceptions sensorielles qui se situent à l’origine de la sémiose;
3- Sociosémiotique (communauté, transferts culturels, écoféminisme). L’axe s’inscrit autant en prolongement des théories de Durkheim qu’à la suite des recherches plus récentes sur les communautés en ligne.
Le speed-colloque est organisé dans le cadre du Laboratoire de résistance sémiotique, fondé en 2013 par les doctorantes et doctorants en sémiologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), qui constitue un espace intellectuel dynamique et collaboratif. Créé dans la perspective de répondre à un désir collectif d'affirmation du devenir et de l’être sémioticien, les visées du Laboratoire sont d’abord et principalement émancipatrices et leur atteinte passe irrémédiablement par l’autodétermination du statut de la chercheuse, du chercheur en milieu universitaire. Il s’agit là, nous semble-t-il, d’un engagement nécessaire afin d’adopter de manière sincère une posture critique dont l’exercice doit tendre vers une redéfinition de l’importance des études sémiotiques dans la production générale du savoir ainsi que de sa pertinence au sein de l’institution.
Bibliographie des références
Alexandrian (1994[1983]). Histoire de la philosophie occulte. Paris : Payot & Rivages.
Bohm, David (1989). La danse de l’esprit, ou, Le sens déployé. Paris : Seveyrat.
Thuillier, Pierre (1997). La Revanche des sorcières. Paris : Belin.
Horaire de la journée
10h: Accueil des participant·es
10h30: Mot d’ouverture des organisatrices
10h45-11h30: Panel «Résistances et resémiotisations»
- «Ivan Jobin, de la sphère optique à la Terre creuse» Julien Vallières (Université McGill)
- «La figure de la sorcière dans les Histoires, disputes et discours de Ian Wier (1567): approche queer et féministe» Lucile Barault
- «Queer, art actuel et sorcellerie: pour une réification de la sorcellerie comme outil “d'empuissancement” politique, artistique et spirituelle» Shandi Bouscatier (UQAM)
11h30-11h45: Pause
11h45-12h30: Panel «Pouvoirs de la fiction»
- «Sorcières et spiritualité féminine dans les jeux vidéo» Loïc Mineau-Murray et Pascale Thériault, Université de Montréal
- «Le parcours comme lieu d’interprétation sémiotique dans From Hell et Jérusalem» André-Philippe Lapointe (UQAM)
- «Spell ou de la puissance des histoires selon Tolkien» Laura Iseut L. St-Martin (UQAM)
12h30-14h: Diner libre
14h-14h45: Panel «Croyances et symboles»
- «Le passé trouble du Sigil Magik» Jean-Michel Berthiaume (UQAM)
- «Enquêtes existentielles et tarot: création de savoir abductif sur soi» Megan Bédard (UQAM)
- «La croyance pragmatique: une lecture actualisante du monde» Stéphanie Roussel (UQAM)
14h45-15h: Pause
15h-15h45: Panel «Langage et formules poétiques»
- «Un dire alternatif» Joséane Beaulieu-April (UQAM)
- «Rêver l’obscur: les possibles de la noirceur chez Starhawk» Mélissa Labonté (UQAM)
16h-20h: Lancement du site web du Laboratoire de résistance sémiotique et bière post-colloque
