Le comité éditorial de la revue Chameaux est fier d'annoncer la tenue de son tout premier colloque « Jeunes chercheurs », qui portera sur les présences, manifestations et fonctions du mensonge dans la littérature. Ce rendez-vous, qui se veut une rencontre conviviale, diversifiée et dynamique, est ouvert à toutes les périodes, de l'Antiquité à nos jours, et à tous les types de corpus que les études littéraires se proposent d'étudier.
La littérature en Occident naît avec des ruses, celles d'Ulysse « aux milles tours » (polytropon), héros mythique connu pour ses paroles souvent trompeuses, de sorte que dès ses origines, la littérature problématise le rapport au mensonge. En effet, l’autorité narratoriale d’Ulysse est mise en doute : quel statut le lecteur, au fait de ses ruses, doit-il accorder au récit qu’il fait de sa propre aventure ? C'est avec de tels textes que les lettres antiques inaugurent une réflexion sur les liens qui unissent le mensonge et la fiction – pensons également à Lucien de Samosate, qui garantit la véracité de ses Histoires vraies en promettant ne rien offrir d'autre à ses lecteurs que des mensonges.
À travers les époques et espaces géographiques, le mensonge apparaît comme un thème d'une rare vitalité, constamment réactualisé. De Guillaume de Lorris à François Villon, le Moyen Âge français raffole de la rime songe/mensonge, et si les fabliaux et le Roman de Renart entretiennent une longue tradition qui mêle le comique à la tromperie, la période médiévale offre aussi une légitimation paradoxale de ces deux composantes à travers les amours de Tristan et Iseut. Plus que les autres versions, celle de Béroul accentue ce trait alors que les amants légendaires, pourtant coupables d’adultères, sont préservés de leurs opposants grâce à leurs nombreuses ruses. Le récit est alors construit sur une tension entre les mensonges des protagonistes, que le récit pardonne, et les actions pourtant condamnables de ces derniers. Ce rapport paradoxal au mensonge, ou pour le moins équivoque, est entretenu au Grand Siècle par Corneille dans sa comédie Le menteur, ou encore par Molière dans de nombreuses pièces, où le mensonge apparaît fréquemment comme ressort du comique. Les serviteurs habiles et fertiles en tartuferies de tout genre offrent une forme d'éducation pour le spectateur attentif, un commentaire sur ce grand théâtre qu'est le monde.
Plus que d’être représenté ou problématisé dans les œuvres, le mensonge en littérature quitte parfois le monde de la fiction pour infiltrer le monde réel à travers des supercheries. Pierre Louÿs publie en 1894 un recueil de poèmes, Les chansons de Bilitis, qui s'annonce comme la traduction inédite d'une poétesse contemporaine de Sappho : Bilitis. Cette imposture, avant d'être révélée par son instigateur, a berné l'ensemble du public, des femmes qui s'identifiaient à la poétesse inventée jusqu'aux universitaires convaincus de l'authenticité du texte. Les cas d’attributions fictives sont nombreux (La Religieuse de Diderot, les Lettres portugaises de Guilleragues, etc.), et plus fréquents encore sont les cas d’écrivains publiant sous pseudonymes. Le couple Gary-Ajar constitue, à cet égard, un exemple fort intéressant à (ré)investir pour les universitaires. Au-delà de ces cas particuliers, il sera intéressant de questionner les incidences institutionnelles de ces supercheries ; comment, par exemple, mobilisent-elles les possibles de l'institution littéraire pour se jouer des conventions et des attentes ?
Enfin, la place qu'occupe le mensonge dans le jeu littéraire pourra être interrogée ; par quelles modalités s'organise la « non-fiabilité » d'un narrateur, par exemple, et qu'est-ce qui en résulte concrètement dans le pacte de lecture ? Les contributeurs pourront également se pencher sur les expériences concrètes de lecture, sur les attentes et surprises qui se trouvent façonnées par les mensonges et les dispositifs trompeurs mis en place par le texte ; les médias et la littérature numériques, puisqu’ils s’avèrent un terrain fertile offrant de nouvelles potentialités, pourront, en outre, être abordés.
Le présent colloque se propose donc d’étudier des corpus variés à travers quatre axes principaux : thématique, théorique, institutionnel et pragmatique. Au delà de ces axes de réflexions, toute communication qui se rattache d’une manière ou d’une autre au sujet est la bienvenue.
Les propositions de communication (300 mots maximum) doivent inclure un titre et une courte notice (institution d’attache, niveau universitaire et coordonnées). Elles doivent être envoyées au comité organisateur avant le 20 décembre 2015 à l’adresse suivante : chameaux@lit.ulaval.ca. Les communications ne devront pas excéder 20 minutes. La revue se propose de publier les articles issus des communications après examen du comité.
Dates importantes
Date limite pour la soumission des propositions : 20 décembre 2015
Avis d’acceptation : avant le 31 décembre 2015
Date du colloque : 4 mars 2016
Pour de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter le comité organisateur à chameaux@lit.ulaval.ca.
Membres du comité organisateur :
- Raphaëlle Décloître
- Nicolas Gaille
- Louis Laliberté-Bouchard