À l’été 2018, au Québec, les pièces de théâtre Slāv et Kanata ont généré d’importantes polémiques autour de la notion d’appropriation culturelle, faisant ressurgir dans le débat public la question de la liberté de création. Les contestations citoyennes ont eu suffisamment de retentissements pour que les représentations de Slāv au Festival de Jazz de Montréal soient annulées et la préparation de Kanata, suspendue. Le débat n’en a été que redoublé. Se disant «bouleversée» par ces affaires, la metteure en scène Brigitte Haentjens a par exemple signé une tribune dans Le Devoir dans lequel elle dénonce ce qu’elle considère comme une nouvelle forme d’oppression des créateurs: «Nous devons collectivement nous battre pour préserver la liberté dans la création artistique; liberté d’écrire, de déranger, de provoquer ou même de faire scandale.» D’autres voix se sont au contraire élevées pour dénoncer l’utilisation de la liberté de création comme argument massue visant à dédouaner l’art des contraintes imposées aux autres formes d’expression.
(Dé)limiter la littérature. Définitions, représentations et usages de la liberté de création
Appel à communication
L’intérêt porté actuellement à la notion de liberté de création traverse les continents et est généralisé à l’ensemble de la francophonie. En France, l’espace public s’anime régulièrement parce qu’une forme de pouvoir (social, médiatique, politique ou judiciaire) tente d’imposer des limites aux artistes. En 2003, l’Observatoire de la liberté de création mettait en ligne un manifeste visant à promouvoir une certaine immunité artistique et affirmant que l’œuvre d’art «jouit d’un statut exceptionnel, et ne saurait, sur le plan juridique, faire l’objet du même traitement que le discours qui argumente, qu’il soit scientifique, politique ou journalistique...». Tout récemment, en 2016, le premier article de loi admettant officiellement cette liberté en droit français a été édicté. De même, dans le cadre d’une intervention au colloque international «Culture et création: facteurs de développement» organisé par la Commission européenne à Bruxelles en 2009, le metteur en scène et comédien burkinabé Étienne Minoungou réaffirmait l’importance de garantir la liberté de création en Afrique: «Les créateurs africains doivent commencer aujourd’hui à affirmer qu’ils ont des choses à dire sur leur pratique et sur la manière dont elle peut servir à bâtir l’avenir d’un continent troublé dont la jeunesse en quête d’espoir tente de s’échapper au prix de risques insensés. Les artistes africains, en connexion avec des intellectuels peuvent être porteurs de propositions nouvelles, ancrées dans leur propre vision de l’avenir de leur continent.»
Présentant des définitions qui varient selon les contextes et les points de vue, la notion de liberté de création est difficile à appréhender. Pour l’artiste burkinabé, le juriste français ou le militant québécois, elle ne détient ni les mêmes pouvoirs ni les mêmes limites. Elle a aussi considérablement évolué dans le temps, au fil des transformations sociétales. Ce colloque se fixera ainsi pour objectif d’observer la façon dont la liberté de création agit, et a agi, dans la (dé)limitation de la littérature et du théâtre francophones des XXe et XXIe siècles, et ce dans une perspective multidisciplinaire.
Cet appel s’adresse notamment aux étudiants en études littéraires, en droit, en sociolinguistique, en analyse du discours, en histoire, en sociologie, en art, en sciences politiques, etc. Voici quelques axes de réflexion proposés:
• Quelles sont les influences de la liberté de création, ou de ses restrictions, sur la production littéraire et théâtrale?
• Quelles sont les limites, réelles ou imaginaires, de la liberté de création littéraire?
• Quelle place occupe-t-elle dans les programmes des groupes ou partis politiques?
• Comment est délimitée juridiquement la notion de liberté de création selon les différents régimes juridiques?
• Comment se confronte la liberté de création aux autres libertés, et notamment aux droits de la personnalité?
• Quels sont les droits et les devoirs des créateurs en conflit dans l’espace social?
• Quelles définitions de la liberté de création peut-on tirer de la façon dont le public commente et reçoit les œuvres polémiques?
• La liberté de création est-elle envisagée différemment en littérature et dans les autres formes d’art?
Vos propositions de communications (d’une durée de 20 minutes) devront comprendre un titre, un résumé de 250 à 300 mots et être accompagnées d’une courte notice biobibliographique. Merci de bien vouloir nous les faire parvenir au plus tard le 15 janvier 2019 15 février 2019 (prolongation) à l’adresse courriel suivante: colloquelibertedecreation@gmail.com.
Vous trouverez l'appel complet en pièce jointe.
Fichier·s joint·s: