De toutes les figures féminines de la mythologie antique appréhendées par les hommes et les dieux ressortent sans doute, outre les Gorgones et les Érinyes, les Amazones: cette communauté de femmes au sein coupé (pour mieux manier l’arc et la flèche dans les scènes de combat) incarne non seulement un pouvoir mythique pouvant amener les guerrières à anéantir l’ennemi, mais également le sacrifice (celui d’un corps amputé), le désir ou la nécessité de vivre en gynécée, donc à l’écart de la société, afin de faire valoir leurs propres valeurs. La mise en place d’une microsociété marginale et l’usurpation du pouvoir ont fait des Amazones les icônes d’un féminin redoutable parce que non domesticable, souverain parce qu’affranchi des normes et des conventions dominantes.
Gynocratie fondée sur les valeurs de sororité, de liberté et d’indépendance, la communauté des Amazones propose, selon les divers récits mythologiques, une forme du vivre-ensemble inattendu qui leur permettait de réaliser un projet social et politique par l’instauration d’un contre-pouvoir, ou du moins d’un pouvoir parallèle. Cette figure mythologique semble en fait plus apte qu’une autre à symboliser la puissance féminine de la modernité du XIXe siècle à l’époque contemporaine. Autant dans la littérature que dans les arts visuels (peinture, sculpture, photographie, cinéma…), les avatars modernes et contemporains de ces figures de femmes hors normes, fictifs ou réels, ont été nombreux à travers l’histoire (suffragettes, femmes nouvelles, Golden Girls, Guérillères, Guerilla Girls, superhéroïnes à la Wonder Woman, Hyènes en jupon, Femen…) et font encore aujourd’hui revivre le mythe pour évoquer un féminin associé à la profonde inquiétude pour les uns et à l’espoir d’une société plus égalitaire pour les autres.
Dans cet idéal d’une communauté sororale, où la transmission se fait de mère en fille, la question des possibilités et des limites du pouvoir de ces figures de femmes, dont les hommes n’ont eu de cesse de diminuer voire d’annihiler la puissance, se pose, notamment en termes de sacrifice, de performance et de performativité du corps, de la place du féminin dans la Cité.
Comment imaginer les Amazones aujourd’hui ? Dans quelle mesure, l’art réinvente-t-il ces figures de femmes vivant en communauté ? Quel est le rôle de la marginalité dans les groupes féminins ? Comment penser le sacrifice à notre époque ? C’est à ce genre de questions que nous invitons à répondre par des œuvres de création de toutes sortes.
Les textes, vidéos, images, bandes sonores, etc., en français, en anglais ou en allemand, sont à envoyer au plus tard le 15 février 2019 à revue@musemedusa.com et à catherine.mavrikakis@umontreal.ca en copie conforme. Ces contributions doivent être accompagnées d’une brève notice biobibliographique et de deux listes de 10 mots clés, une en français et une en anglais ou en allemand (voir le protocole de rédaction sur le site de la revue).