Qu’est-ce que le cinéma? Voilà une question qui, par nature, est intemporelle, car éternellement modulable, au gré du changement et de la nouveauté. En revanche, se demander ce qu’est le cinéma – et, comme entend le faire le présent dossier, ce qu’est le cinéma dit «numérique» – n’est pas non plus une réflexion qui consiste à faire la liste des nouveautés proprement techniques du média. Il serait néanmoins tout aussi téméraire de faire table rase des avancées technologiques au profit d’une pensée trop abstraite et, en cela, déconnectée du présent. De là, émerge la nécessité d’une position médiane, plus facile à exprimer qu’à adopter. Comme l’écrit Maurizio Ferraris, ce qui dans notre contemporanéité numérique devient de plus en plus nécessaire de penser, c’est une ontologie de l’actualité – voire à travers l’actualité –, soit la «conscience que dans la mutation et dans l’altération se manifestent l’essence, la structure». Ce n’est donc qu’en effectuant le procès entre ce qui est concrètement nouveau et ce qui a semblé avoir toujours fait partie de l’imaginaire d’un média que l’on peut enfin s’interroger sur ce moment privilégié, mais historiquement et ontologiquement flou, que constitue sa naissance, son origine ou son commencement.
Les naissances du cinéma numérique (dossier de la revue Sens Public)
Appel de texte
Comme l’indique Michel Foucault, «[c]e qu’on trouve au commencement historique des choses, ce n’est pas l’identité encore préservée de leur origine – c’est la discorde des autres choses, c’est le disparate». On le sait, cette idée s’applique également aux recherches actuelles en études cinématographiques et médiatiques: raccourci langagier utile mais délicat, «cinéma» est plus que jamais le nom donné à une multiplicité non systématique de dispositifs, de supports, de discours et d’enjeux qui s’altèrent tout en se perpétuant. L’entrée du cinéma dans l’ère particulièrement métissée du numérique n’a donc fait que rendre plus sensible le chaos qui était déjà celui de son origine, redevable d’une autre épistémè. C’est pour cette raison, comme le notent André Gaudreault et Philippe Marion, qu’il faut «faire comprendre l’histoire du cinéma comme succession de commencements et de morts». Plutôt que de nous faire aveugler par l’effet premier de la nouveauté, à la remorque de laquelle sera toujours placée l’invention cinématographique, chaque nouvelle identité du cinéma doit être l’occasion d’interroger autrement sa nature, sa mort et sa (re)naissance.
Dans le sillage de ces considérations, le présent dossier de Sens Public vise à éclairer un double questionnement. D’une part, quelles sont les naissances du cinéma rétroactivement provoquées par le numérique? D’autre part, et de façon complémentaire, en quoi la sphère cinématographique contemporaine représente-t-elle un observatoire privilégié pour rendre compte des naissances du numérique? Les articles recherchés peuvent aussi bien porter sur des réflexions historiques et philosophiques plus générales, que sur des études de cas plus spécifiques. Ouvertement transdisciplinaire, le dossier souhaite accueillir non seulement des spécialistes en études cinématographiques, mais tout chercheur qui désire éclaircir les notions de «numérique» et de «média».
Accompagnées d’une courte bibliographie ainsi que d’une notice biobibliographique (150 mots), les propositions d’articles, d’environ 500 mots, devront être envoyées l’adresse redaction@sens-public.org avant le 15 décembre 2017. Les articles seront ensuite à remettre sans faute pour le 15 juin 2018.
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