En 2011, dans son ouvrage «Slow Violence and the Environmentalism of the Poor», Rob Nixon mettait en évidence la difficulté de représenter la crise écologique, en raison du temps long qu’elle implique et de la lenteur avec laquelle les désastres qui la constituent se déploient. Il écrivait, conscient de poser la question à partir d’une culture comme la sienne qui cherche, dans les images et les récits, le spectaculaire: «[…] how can we convert into image and narrative the disasters that are slow moving and long in the making […]?» (Nixon, 2011: 3). Dix ans plus tard, force est de constater que les conséquences du réchauffement climatique ne sont plus une abstraction. La récurrence et la fréquence des canicules, des feux de forêt et des inondations obligent à penser la crise écologique non plus comme une histoire du futur, mais bien comme celle du présent. Elle est devenue une catastrophe continue dont le temps s’accélère.
Comment alors répondre, par l’art et l’écriture, à cette catastrophe? S’agit-il encore de chercher ou de produire les récits qui feront naître un sentiment d’urgence? Ou de chercher à témoigner de ce qui souffre et qui disparaît dans ce grand bouleversement environnemental? Ou encore, l’écriture et la création s’imposent-elles pour trouver de nouvelles façons d’habiter le monde et d’être en relation avec les autres, humains et autres qu’humains (ou plus-qu’humains)? Dans son introduction au recueil d’essais intitulé «De l’univers clos au monde infini», la philosophe française Émilie Hache écrit: «[…] tenter de répondre à cette situation critique [i.e., la crise écologique] passe par la production de récits de ce qui est en train de nous arriver» (Hache, 17). Ainsi, écrire, créer, c’est peut-être aussi chercher un peu de tout cela –sentiment d’urgence, expression du deuil et de la souffrance, établissement de nouvelles relations– parce que tout cela est demandé par ce qui nous arrive. Et peut-être est-ce ainsi qu’il sera possible de créer une rencontre avec l’autre qui mène à l’action ou, comme le dit Jenny Odell dans «How to Do Nothing: Resisting the Attention Economy»: «[encounters in the realm of the poetics] may actually completely unsettle the priorities of the productive self and even the boundaries between self and other. Rather than providing us with drop-down menus, they confront us with serious questions, the answering of which may change us irreversibly» (Odell, 2019, p.120). Adresser la question environnementale par l’art permettrait ainsi d’ouvrir de nouvelles brèches dans l’esprit dominant et de donner la possibilité de se (re)sensibiliser à la précarité qui caractérise notre époque.
Il s’agira, dans cette journée d’étude, de poser de manière très large la question des rapports qu’entretiennent l’écriture, l’art et la crise écologique, tant du point de la création des œuvres que de leur lecture et de leur analyse. De manière générale, nous nous demandons: pourquoi écrire et créer au temps de la crise écologique? De manière plus spécifique, nous cherchons à explorer, par exemple, les questions suivantes: quelles sont les représentations de la crise écologique dans les fictions, la poésie, le théâtre, les essais littéraires et les différentes œuvres d’art? Quels événements précis ou quelle menace diffuse et englobante sont figurés, rapportés, questionnés? Quels rapports de force ou quelles inégalités entre humains, ou entre humains et autres qu’humains (ou plus-qu’humains), sont abordées ou mises scène dans les œuvres? Quels rôles les artistes jouent-elles.ils devant la crise écologique: observer, conscientiser, dénoncer, agir, plaider pour un renouvellement des rapports économiques, des rapports de genres, de races, de classes sociales, ou des relations à l’autre qu’humain (plus-qu’humain)? Quels discours ou quelles esthétiques proposer face à la crise écologique, en parallèle ou en écho au savoir scientifique que nous en avons? Quels espoirs, quelles luttes, quels replis, quels deuils, quelles fatalités prennent forme dans les œuvres devant la conscience de la catastrophe?
Vos propositions de communication, qui tiendront entre 15 et 20 minutes, sont à envoyer aux adresses suivantes d’ici le 6 mai 2022: laforce.esther@courrier.uqam.ca et warren.elise@courrier.uqam.ca Veuillez inclure un titre, un résumé (maximum 400 mots), une courte notice biographique et une bibliographie (au moins 5 titres). La journée d’étude est ouverte à toustes, que ce soit des propositions de recherche ou de recherche-création, de tous champs d’études.