Colloque international organisé par Sylvain David et Pierre Popovic, dans le cadre des activités de recherche de Figura, le Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire, et du groupe Édits, projet « Littérature et imaginaire social en France (1958-1981) », inscrit au programme du CRIST, le Centre de recherche interuniversitaire en sociocritique des textes.
Le jeudi 28 mai 2009, de 9h15 à 17h, à la salle LB-619 du Pavillon J.W. McConnellet (Université Concordia), et le vendredi 29 mai 2009, de 9h15 à 15h, à la salle A-2411 du Pavillon Maximilien-Caron (Université de Montréal).
Avec le soutien du Département d’études françaises de l’Université Concordia, de Figura (Antenne Concordia), de la chaire James McGill d’étude du discours social de l’Université McGill, du Département des littératures de langue française et de la Direction des Relations Internationales de l’Université de Montréal.
Présentation
Si elle circulait dans les esprits, les officines et les médias au moins depuis la création du Ministère de la culture par André Malraux en 1959, l’expression exception française ne devient véritablement un lieu commun du débat national en France qu’au moment où elle se confond avec celle d’exception culturelle lors des négociations de l’Uruguay Round, au sein du GATT, en 1986. Elle désigne alors une nécessité dont le passé et l’identité de la France seraient garants, celle de soustraire la production culturelle (notamment dans le domaine des industries culturelles) aux règles du commerce international des denrées et aux premiers élans de ce qui s’appellera bientôt « la mondialisation ». Dans les faits et les discours, et tout particulièrement sur la scène politique et diplomatique, cette exception française/culturelle trouve des définitions nombreuses et se voit rattachée selon les plumes et les camps idéologiques à l’héritage des Lumières, à l’universalisme républicain, à des réflexes protectionnistes, à la crainte d’une uniformisation des cultures, à un art de vivre et de goûter, à une tradition de revendications sociales, à un système d’éducation singulier dont les « grandes écoles » seraient le parangon, etc. etc.
Si l’analyse de la constitution et de l’essaimage de cette représentation qui recycle et remet au goût du jour le nationalisme identitaire français en le projetant sur la scène internationale a été faite sur le terrain des études politologiques et économiques (voir entre autres les travaux de Gilles Lazuech, Yves Tinard, Jacques Lesourne, Serge Regourd, Laurent Wirth, Jacques Rigaud), on ne s’est pas vraiment avisé du fait que la généalogie de cette topique de l’exception nationale-culturelle avait fait fond sur un ensemble considérable de textes littéraires et de représentations imaginaires diffusés après la seconde guerre mondiale. C’est à l’examen de cette généalogie littéraire et imaginaire durant la période allant grosso modo de la prise de pouvoir par le Général de Gaulle en 1958 à celle de François Mitterrand en 1981 (ces deux dates étant indicielles, et ne demandant aucune stricte observance) que sera consacré le colloque.
Deux axes sont proposés à la réflexion des conférenciers. D’une part il s’agira de retracer la longue série des textes qui proposent des définitions mythologiques (au sens de Barthes) du « Français » ou du « modèle français » ou du « mode de vie français » comme spécimen ou phénomène historiquement spécifique. Autrefois, chez Victor Hugo par exemple, la spécificité culturelle nationale venait directement de ce qu’il appelait « l’idée française », c’est-à-dire l’idéal politique issu de 1789. En conjoncture, pour la période ici retenue, cette exceptionnalité est ostensiblement traitée par toute une série d’auteurs (Charles de Gaulle, André Malraux, Françoise Giroud, Simone de Beauvoir, Valéry Giscard d’Estaing, Philippe Sollers), qui perpétuent chacun à leur manière la veine de Jacques Rivière (Le Français, 1928) ou de Roger Vailland (Quelques réflexions sur la singularité d’être Français, 1946). D’autre part il s’agira de prendre acte du fait que la généalogie de l’exception coïncide avec une théorie des exceptions, au pluriel. C’est-à-dire que les années gaulliennes et post-gaulliennes sont traversées par une mise en valeur insistante d’exceptionnalités internes, individuées, dont les textes de littérature tout spécialement font leur miel. En première main, ces exceptionnalités se distinguent d’un « Français moyen », qui serait gangrené par la consommation, l’atavisme, la nullité, et elles sont au moins neuf selon nos premiers relevés empiriques : 1. l’intellectuel contestataire (le militant anticolonialiste, le « soixante-huitard », le théoricien révolutionnaire); 2. le chômeur (à distinguer de la classe ouvrière organisée); 3. l’immigré; 4. l’athlète (Jacques Anquetil, Colette Besson, Éric Tabarly); 5. le Français américanisé (le « yéyé ») ou relevant « le défi américain » (Servan-Schreiber); 6. la « femme française »; 7. l’adolescent en crise; 8. le(la) « sexuellement libéré(e) »; 9. « l’ennemi public n° Un » (Mesrine). Nous faisons l’hypothèse que ces représentations partielles relancent un particularisme identitaire sur un mode fragmentaire et qu’elles seront retotalisées dans cette exception (culturelle) française qui aura pignon sur rue au milieu des années 1980.
Programmation
- Le jeudi 28 mai 2009
9h15 Accueil des participants
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Première séance
Présidée par Claudia Bouliane (Université de Montréal)
9h30 Nelly Wolf (Université de Lille III), « Annie Ernaux : du mythe ouvrier à l’exception féminine »
10h15 François Provenzano (FNRS/Université de Liège), « Le littéraire célibataire et le philosophe polygame : Jean Borie et Henri Lefebvre contre le couple structuraliste »
11h Pause
11h15 Marion Froger (Université de Montréal), « Michel Audiard et la sociabilité du panache »
12h Déjeuner
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Deuxième séance
Présidée par Anne-Hélène Dupont (Université McGill)
13h30 Djemaa Maazouzi (Université de Montréal), « Albertine Sarrazin : "cavaleuse miraculée par l’écriture" »
14h15 Benoît Denis (Université de Liège), « Le roman-Mesrine. Du Français moyen à l’ennemi public numéro un »
15h00 Pause
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Troisième séance
Présidée par Olivier Parenteau (Université McGill)
15h15 Sarah Sindaco (Université de Liège), « Le berger, l’agitateur et probablement… l’énarque. Des arnaques aux chicanes de la nouvelle technologie française »
16h Sylvain David (Université Concordia), « Frenchy but chic : la p(r)ose punk française »
- Le vendredi 29 mai 2009
Quatrième séance
Présidée par Marie-Pascale Huglo (Université de Montréal)
9h30 Pierre Popovic (Université de Montréal), « Petite mythologie du grimpeur (1958-1981) »
10h15 Gabriel Perugini (Université de Lille III), « Identité et altérité chez Patrick Modiano : un regard étranger sur l'imaginaire social français des trente glorieuses »
11h Pause
11h15 Marc Angenot (Université McGill), « L’ "immunité" française envers le fascisme : un demi-siècle de polémiques historiennes »
12h Déjeuner
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Cinquième séance/Séminaire mensuel du Crist : Lectures de Sartre
Présidée par Pierre Popovic (Université de Montréal)
Conférenciers : Benoît Denis (Université de Liège), « Pourquoi Sartre refuse d’engager aussi la poésie »
Yan Hamel (TÉLUQ/UQÀM), « L’Amérique selon Sartre »