La trame temporelle est mise à rude épreuve dans de nombreux récits littéraires, laissant parfois le passé déborder sur le présent. Ce temps révolu qui sort de ses bornes prend souvent la forme de l’enfance. Surgissement d’un autre temps, elle offre alors un nouvel éclairage sur un présent de la maturité.
Lorsqu’il s’agit de récit d’enfance, les genres littéraires paraissant les plus propices sont probablement l’autobiographie et l’autofiction. L’auteur.e se trouve alors au centre des événements restitués dans un récit où les discontinuités peuvent être gommées. De la naissance au jour présent, tout concourt, nous fait-on croire, à assembler les morceaux de l’être complexe que l’on est devenu. L’autobiographie ou l’autofiction comme généalogie de l’identité, c’est donc une explication des causes de soi, un temps construit avec une finalité. On évoque ses parents, son enfance, son passé, à travers le prisme de l’âge avancé d’un personnage ou de la position d’auteur.e. Or, cette promesse d’un moi unifié menace de voler en éclats face aux contradictions que l’écriture fait émerger.
La fiction romanesque n’est pas en reste. Les réminiscences du passé prennent de multiples formes: passé-explicatif qui façonne le présent; passé-voyant qui programme ou annonce le futur; enfant qui ressurgit volontairement ou involontairement dans la mémoire ou dans l’écriture, etc. Disséminée dans le récit, l’enfance joue avec le sens, les mots et l’identité des personnages.
Pour Jacques Cardinal, «[l’]enfance ressemble […] à un palimpseste – surface où s’entremêlent deux écritures – où l’écriture apparemment seconde se donne à lire comme le dévoilement et le voilement simultanés d’une mémoire tout à la fois perdue et retrouvée» (Cardinal, 1999: 34). En ce sens, l’enfance reste énigmatique et semble nécessiter maints artifices pour sa compréhension, poussant le sujet à y revenir tout au long de son existence et à sans cesse en reconfigurer l’écriture.
Nous nous interrogerons donc sur les modalités de ces résurgences de l’enfance. Quelles sont leurs formes? Comment s’intègrent-elles dans la trame narrative et l’architecture du texte? Les retours de l’enfance sont-ils toujours la marque d’une nostalgie? Qu’est-ce que l’enfance passée dit du présent, mais aussi du futur?
À l'occasion de cette journée d'étude, nous invitons les chercheuses et chercheurs à interroger ce surgissement de l’enfance sans restriction de corpus, de genre littéraire, d’époque ni de méthode.