Tout au long du XXe siècle, l’utopie révolutionnaire a structuré les horizons d’attente de la littérature engagée. Comment le récit contemporain, dans le foisonnement des discours appelant désormais au deuil du radicalisme révolutionnaire, réfléchit-il aujourd’hui le reflux des discours d’émancipation auxquels les politiques de la littérature du dernier siècle s’étaient arraisonnées? Et si le communisme a été « l’horizon indépassable » de toute une époque, selon la formule sartrienne, qu’en conserve aujourd’hui la littérature quand cette idéologie est devenue, ainsi que l’écrivait F. Furet, le « passé d’une illusion »?
Ce programme de recherche tente de répondre à ces interrogations en identifiant l’articulation des pratiques narratives, des usages mémoriels du passé et des représentations du politique dans un certain nombre d’œuvres majeures de la littérature française contemporaine (P. Michon, O. Rolin, P. Bergounioux, A. Volodine, D. Daeninckx, F. Bon, P. Deville). L’hypothèse générale de ce projet soutient que l’engagement de la littérature ne se manifeste aujourd’hui ni par une projection futuriste à la manière des avant-gardes ni par un diagnostic des injustices du présent comme y invitait Sartre, mais par un complexe travail de remémoration où se conjoignent une mémoire du politique et une politique de la mémoire. Ce programme a pour objectif de mettre en lumière les modalités selon lesquelles le récit français contemporain fait appel à la mémoire du siècle dernier pour transformer l’idée même de littérature engagée ainsi que pour redéfinir sa force agissante et son incidence dans l’espace public.