Depuis plusieurs décennies, la lecture de poésie constitue une pratique culturelle québécoise fortement ancrée, où la parole se trouve incarnée par le corps de son auteur.e. Cette pratique s’est cependant beaucoup diversifiée (performance, slam, spoken word, «micro ouvert», poèmes mis en musique, etc.). Face à cette diversification riche et stimulante, nous constatons : d’une part, que ces pratiques ont fait éclater le cadre traditionnel, en explorant de nouvelles formes d’incarnation et de vocalisation de la parole poétique, tout en établissant aussi différents rapports entre le texte, l’interprète et le public; d’autre part, que la relation texte-corps-voix constitue une ligne de force qui traverse chacune des formes que peut prendre désormais l’incarnation du poème devant public. Notre projet consiste à interroger la corporéité dans les pratiques de vocalisation du poème, en explorant des modalités d’incarnation du texte poétique, par l’intermédiaire d’une approche interdisciplinaire réunissant les champs de la création littéraire, de la danse et du théâtre corporel. Cette approche vise à approfondir la connaissance et la réflexion sur les pratiques de la «littérature incarnée» (Meizoz), en proposant une démarche exploratoire de la vocalisation du poème fondée sur une praxis du corps et de la voix. Notre hypothèse est que les interventions poétiques devant public posent constamment la question de la corporéité, tant sur le plan de l’interprète que sur celui du texte. De plus, nous postulons que les pratiques de vocalisation du poème font appel à différents modes de métaphorisation, qui sont pris en charge par le corps et la voix, selon un ensemble de combinaisons qui est susceptible de se renouveler d’une intervention à l’autre.