Séance proposée par Véronique Labeille, doctorante Université du Québec à Trois-Rivières et Lyon II
Si le travail du chercheur es lettres est de lire les textes, de les interpréter et de les actualiser, pour reprendre la triade d’Yves Citton, les écueils ne se font évidemment pas attendre. Que ce soit la tentation d’appliquer une méthodologie qui a fait ses preuves ou d’en créer une nouvelle, que ce soit « l’oxydoréduction herméneutique » (le terme est de Popovic) due en partie aux lacunes intellectuelles, à la subjectivité menaçante ou la tentation d’objectivité absolue, les pistes les plus farfelues pour l’analyse d’un texte peuvent s’avérer, somme toute, intéressantes. Ces chemins à suivre ou ne pas suivre sont le propre du métier et l’ « erreur » d’interprétation peut se révéler, si le chercheur est assez perspicace pour la repérer et la mettre en valeur, fructueuse et déterminante pour les suites de l’analyse. En somme, l’ouverture interprétative est aussi source de découverte, c’est du moins ce que conclue l’historien de l’art Daniel Arasse en analysant l’interprétation anachronique que Michel Foucault fait des Ménines de Vélasquez. La lecture de Foucault est celle d’un philosophe, voire d’un artiste, puisqu’il s’approprie l’œuvre et la détourne pour qu’elle corresponde à sa pensée. Cette perspective d’analyse déplace le chemin suivi par l’historien et ouvre la voie à l’interprétation du philosophe : « le philosophe se trompe et il a raison », constate Arasse.
Pour cet atelier de Penser la théorie placé sous le signe de la lecture et de l’interprétation, nous nous inspirerons de l’indulgence de Arasse envers Foucault pour lire différents textes et les mettre à l’épreuve des théories. Différentes pistes pourront être explorées, celle de la réception, bien sûr, mais aussi celles de la pédagogie et de l’écriture, questions auxquelles nous sommes perpétuellement confrontés.
Suivre ces pistes revient à creuser les axes suivants :
1- Définir l’activité d’interprétation, selon que nous sommes simple lecteur, enseignant ou chercheur.
2- Comment fonctionne le mécanisme d’interprétation lorsqu’il est dépendant d’une lecture chronologique ?
3- Comment comprendre les liens entre lecture et interprétation d’un point de vue théorique ?
Propositions de lecture :
- Le douzième chameau, fable bédouine lue par François Ost
http://www.dhdi.free.fr/recherches/etatdroitjustice/articles/ostdouzieme... - Anzieu, Didier. "Bisexualité", Contes à rebours, Paris, Clancier-Guénaud, 1987.
- Allais, Alphonse. "Un drame bien parisien" [1890], in Eco, Lector in fabula, [1979], Paris, Grasset, 1985.
- Bertrand Gervais, « Le corps défiguré : lecture et figures de l’imaginaire », L’expérience de lecture, textes réunis par V. Jouve (Actes du Colloque de Reims, 2002) Paris, Éditions L’improviste, 2005 (analyse de la nouvelle de Anzieu, à lire après la nouvelle !) ou le résumé de l’article sur le site de « Penser la théorie » au : http://penserlatheorie.nigeba.net/bertrand_gervais_le_corps_d.html
- David Lodge, Un tout petit monde, Communication sur le structuralisme par Philipp Morris lors du MLA de 1984, à Rummidge.
- Pierre Bayard, Le plagiat par anticipation, Paris, les Éd. de Minuit, 2008.
Pour plus d'informations, consultez le site du groupe de lecture Penser la théorie.