Prisonnier d’un homme et d’un temps,
Enfermé dans ma langue et le réseau de mes images
Je suis à tous, dit le poème. Comme le ciel.
Henry Bauchau
Colloque organisé par Figura, le Centre de Recherche sur l’Imaginaire et le Groupe de Recherche sur l’Image et le Texte de l’UCL.
Description du colloque
L’écrivain n’est pas uniquement le père ou le fils de ses œuvres. Il n’est pas même un produit d’ordre exclusivement littéraire, mais aussi celui d’interactions entre différents types de discours, tissés par différents médias. C’est dire que les figures d’auteurs entrent constamment en interférence avec les productions culturelles, littéraires ou non, textuelles et/ou iconiques, dont ils sont les objets : iconographies, entretiens, documentaires, mises en fiction, etc. Elles constituent des « objets culturels », élaborés à l’interface de la configuration singulière opérée à travers les œuvres et les métadiscours d’auteurs d’une part, et de leur réception et reconfiguration par la collectivité d’autre part.
Prise en étau entre, d’une part, les hypothèses interprétatives conscientes et idéologiques qui les instrumentalisent, et d’autre part, les déterminations inconscientes qui en configurent les représentations et la mémoire, les figures d’auteurs s’inscrivent dans une historiographie complexe et stratifiée et sont à appréhender comme constructions de sens au sein desquelles tant les pleins que les vides signifient en regard d’un présent. À ce titre, le regard porté et le discours rapporté sur les figures d’auteurs ne peuvent faire l’économie de leur propre situation d’énonciation comme agent de mise en ordre de la rencontre.
On tentera d’éclairer ce qui sous-tend les modalités et les enjeux de la figuration de l’écrivain, compris comme l’auteur (producteur) de textes, littéraires en particulier, mais également comme le produit d’une construction socio-culturelle historiquement et médiatiquement déterminée. Comment voit-on et donne-t-on à voir les figures d’auteurs ? Quels aspects de l’auteur (et de son œuvre) sont-ils convoqués et à quelles fins, dans quels types de discours (politique, philosophique, psychologique, religieux, judiciaire…) ? Dans quelle mesure simplifie-t-on, gomme-t-on des aspérités ou souligne-t-on certains accents, dans quels contextes et selon quelles visées spécifiques ? Comment les médias (arts graphiques, photographie, cinéma, performances…) contribuent-ils à déterminer l’appréhension de ces figures ?
Ces figurations forment un support important de l’historiographie littéraire et culturelle (Qui ne connaît Dante, mais qui l’a lu ?) qui impose de s’interroger sur leur faculté à faire voir le passé dans la perspective d’une construction du contemporain. Dès lors que plusieurs figures d’un même auteur peuvent exister au cours de l’histoire, parfois même en synchronie, il s’agira de comprendre comment une vision particulière d’un auteur peut s’imposer et disparaître selon les époques, et comment plusieurs figures d’un auteur peuvent coexister. Dans quelle mesure des figurations peuvent-elles élaborer une représentation de l’auteur qui s’éloigne sensiblement de son œuvre ou de son discours auctorial ? Quelles sont les formes de mythification ou de démythification, d’idolâtrie ou d’iconoclasme que ces figurations d’écrivains traduisent et selon quelles axiologies ?
Les créateurs, les auteurs et la culture en général se mesurent à ces figures et se dessinent en fonction de la stratification de leurs diverses représentations. Comprendre la construction d’un texte suppose de s’interroger sur les fondements du littéraire et des représentations qui en forment la trame. Cette enquête sur les figures d’auteurs et leurs modalités d’élaboration invite, en synchronie comme en diachronie, à un examen pluridisciplinaire. La recherche engagera en conséquence l’analyse des discours, la sémiologie comparée, l’analyse des rapports texte-image, la sociologie et la sociocritique, etc. Elle visera à l’étude des figures d’écrivains comprises comme objets culturels partagés et inscrits dans une histoire et une historiographie complexes et en mutation constante.
Le colloque aura lieu du 6 au 8 mai 2010 à l’Université catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve). Il fait partie des activités inscrites au programme de l’accord-cadre « Construction du contemporain » liant le groupe Figura de l’UQAM, le Centre de Recherche sur l’Imaginaire et le Groupe de Recherche sur l’Image et le Texte de l’UCL.
David Martens & Myriam Watthee-Delmotte
F.N.R.S. – U.C.L. (CRI)
Jean-Louis Tilleuil (GRIT)