« L’acte littéraire à l’ère de la posthistoire »
Qu’en est-il aujourd’hui de la portée sociopolitique de la littérature, dans un monde privé de projet de société ? Après une période marquée par de grandes figures d’intellectuels (Sartre, Camus, Aragon, Malraux…), attachés à l’engagement de l’écrivain, porteur d’idéologies que l’œuvre devait incarner dans sa trame comme dans son message, puis une autre où la littérature s’est résolument tournée vers l’expérimentation formelle censée porter l’esprit révolutionnaire inhérent aux grands bouleversements sociaux que les utopies prédisaient (du Nouveau Roman à Tel Quel en passant par les différentes avant-gardes…), serions-nous revenus, en notre époque dite posthistorique, à ce que Mallarmé appelle « l’action restreinte de la littérature », confinée au seul champ poétique ou esthétique, sans efficience dans le champ social ou politique, ou encore à une abdication de l’acte artistique propre à la littérature, désormais inféodée au discours social qu’elle se contente de relayer sous forme de témoignage ou de documentaire ? A-t-on affaire à un repli, à un retrait, pour ne pas dire à une débâcle, qui amènerait les auteurs à se retirer dans la thébaïde de leur œuvre, que Pascal Quignard compare à une sorte de Port-Royal imaginaire ? Ou encore s’agit-il d’un rejet de la littérarité au profit d’une pure littéralité qui se muerait en enquête historiographique ou journalistique visant à saisir la réalité sans aucune volonté de la transformer ?
Le colloque vise à caractériser le type d’« efficacité symbolique » propre à la littérature des trente dernières années, soit depuis le moment où nous avons commencé à affubler du préfixe post- un nombre sans cesse croissant de termes qui nous permettaient jusque là de nommer notre réalité : post-modernité, post-histoire, post-humanité, etc. Entre le repli esthétique dans l’œuvre et le rejet éthique de l’œuvre, entre la quête d’une autonomisation complète de la littérature face au champ social ou idéologique et la requête d’une dissolution totale de la parole littéraire dans le discours social ambiant ou les pratiques telles le journalisme, l’historiographie et les sciences humaines, n’y a-t-il pas une tierce position dans laquelle se trouvent de nombreux écrivains d’aujourd’hui, qui consiste à redéployer par-delà tout formalisme et tout fonctionnalisme, qui autonomise ou instrumentalise la littérature, ce qu’on peut appeler la dimension anthropologique du fait littéraire, grâce à laquelle l’écriture peut être vue comme un acte à part entière, à la fois spécifique et générique, agissant sur l’ensemble des réalités humaines et, au premier chef, sur la vie commune ou le partage de la vie sensible ?
Le colloque aura lieu du 1er au 3 octobre 2015, à la Maison Ludger-Duvernay, 82 rue Sherbrooke Ouest, Montréal.
Programme en pièce jointe.