Quand elle n'est pas directement de combat, à l'exemple des Châtiments de Victor Hugo destinés à abattre symboliquement Louis Napoléon Bonaparte et à venger les victimes du coup d'état du 2 décembre 1851, la poésie n'est que rarement considérée sous l'angle des relations qu'elle entretient avec les représentations politiques, historiques et sociales qui circulent dans la semiosis sociale ou dans la culture qui l'environne. Des philosophes comme Jean-Paul Sartre et des critiques comme Mikhaïl Bakhtine la situèrent même en dehors des débats sociaux et culturels. Tandis que Sartre, après avoir affirmé que les poètes utilisent les mots comme s'ils étaient des choses, c'est-à-dire sans les inscrire dans l'aire d'une communication toujours conflictuelle, ne l'estimait pas susceptible de rejoindre la littérature engagée telle qu'il la concevait (selon lui, elle procède à une évaluation critique du mouvement de l'histoire en cours en établissant un rapport dialectique avec lui), Bakhtine soutenait qu'elle tendait systématiquement à rejeter des voix autres que la sienne propre en sorte qu'elle était étrangère au dialogisme et qu'elle tendait à couper tout lien avec les multiples langages sociaux qui l'entouraient. Cette représentation qui voit dans la poésie une sorte de belle étrangère, enfermée dans une quête esthétique, trop fière pour se compromettre avec la rumeur sociale ou avec les sédiments culturels, et qui refuse d'avouer quelque intentionnalité que ce soit afin de rester énigmatique et pure, a la vie longue et n'est sans doute pas pour rien dans le discrédit, voire le mépris, qui affecte aujourd'hui le genre poétique, notamment dans les programmes d'enseignement. En tant que sociocriticiens et qu'ethnocriticiens, nous nous opposons radicalement à cette façon de concevoir la poésie. Pour nous, la poésie est toujours concrète et branchée sur le monde tel qu'il est dit, chanté, mis en scène, connu, imagé (sociocritique), tel qu'il est dialogisé (ethnocritique) au moment où elle s'écrit. Pour nous, elle n'a pas à être de combat et n'a pas à être intentionnellement polémique pour être «embarquée» (le mot est de Blaise Pascal) par et avec son temps. Quels que soient les mécanismes de sens qu'elle met en mouvement, quelles que soient ses formes, quels que soient ses thèmes si elle en a (parfois, sa seule raison est de parler de la langue elle-même), quel que soit son ton, elle est en interaction dynamique avec la semiosis sociale ou avec le tuf socioculturel qui l'entoure, dont elle tire les matériaux qu'elle altère et fait siens de sorte à leur donner des sens nouveaux. C'est là l'hypothèse heuristique majeure que ces Cinquièmes rencontres internationales des sociocriticiens et des ethnocriticiens exploreront, fidèles à leur parti pris pour une lecture attentive et interactive des œuvres.
Ces rencontres sont organisées par le Centre de recherche interuniversitaire en sociocritique des textes (CRIST) , en collaboration avec Figura, le Centre de recherche sur le texte et sur l’imaginaire, et le Centre de recherche sur les médiations (CREM/Université de Lorraine-Metz).
Consultez le programme en pièce jointe.
Comité d’organisation :
Sophie Ménard (CREM)
Olivier Parenteau (CRIST/FIGURA)
Pierre Popovic (CRIST/FIGURA)
Responsables scientifiques : Véronique Cnockaert (UQAM/FIGURA), Patrick Maurus (CERLOM/INALCO), Sophie Ménard (CREM/Université de Lorraine-Metz), Olivier Parenteau (CRIST/FIGURA/Collège Saint-Laurent), Pierre Popovic (CRIST/FIGURA/Université de Montréal), Jean-Marie Privat (CREM/Université de Lorraine-Metz).