Conférence de Rodney Saint-Éloi suivi du Colloque annuel de l'Association étudiante des cycles supérieurs en études littéraires
Depuis le romantisme, la culture semble se traduire par un sentiment de perte. Faisant suite à Hegel, qui a annoncé la fin de l'Histoire, c'est sur un monde en ruines, un « passé à jamais détruit », dira Alfred de Musset pour situer les enfants du siècle, que semble se bâtir la(les) culture(s) moderne(s). Ce constat deviendra certes paradigmatique pour toute l'avant-garde artistique moderne, laquelle instaurera une « tradition de la rupture » pour reprendre les mots d'Octavio Paz. Cependant, en dehors d'un simple constat artistique, les courants de pensées féministes, postcoloniaux et autres ont œuvré à démontrer que ce phénomène, d'un point de vue politique, fut beaucoup plus subtil et pernicieux, et que l'écriture de l'Histoire s'est bien souvent traduite par l'élimination de diverses histoires singulières. Encore aujourd'hui par exemple, nous constatons la lente disparition des cultures autochtones partout dans le monde.
Malgré les diverses formes que prend cette perte, celle-ci semble témoigner d'une crise du langage aux multiples facettes : « crise de la narration » pour Walter Benjamin, « fin des grands récits » pour Jean-François Lyotard, « crise de la culture » et « atomisation » de l'individu pour Hannah Arendt, etc. Le paradigme de la fin aura contribué à une « crispation identitaire » et à un « dépaysement », pour reprendre Tzvetan Todorov, qui ouvre la voie à des valeurs conservatrices qui retranchent les communautés, voire les individus, dans une « folle solitude », dira Olivier Rey, face à « la précarité interne qui a conféré, pendant si longtemps, une force écrasante à la tradition, érigée en rempart contre les risques d'une dissolution de la culture ».
C'est pourquoi nous nous proposons de questionner cette perte et ses différentes modalités, que celle-ci soit dilution, dissolution, dégradation ou disparition, mais aussi à l'inverse résurgence, recyclage, rapatriement ou simplement rappel.
PROGRAMME
8h30 Accueil des participants
9h00 Mot de bienvenue de l'AECSEL
9h15 Conférence introductive de Rodney Saint-Éloi
9h45 Période questions et d'interventions
Panel 1: Mémoire retrouvée
Présidente de séance : Joannie Bélisle (UQAM)
10h00 «Une littérature à (re)découvrir. Écrire le Cambodge de nouveau» - Eang-Nay Theam (UQAM)
10h20 La symbolique du métier à tisser dans Les Vigiles de Tahar Djaout : Les gestes enchanteurs de la grand-mère face à la modernité - Karim Zakaria Nini (UdM)
10h40 Dany Laferrière et la globalisation culturelle : histoire, mémoire, homogénéisation - Jean Hérald Legagneur (University of Virginia)
11h00 Période de questions
11h30 Dîner
Panel 2: Réactualiser l'Histoire
Président de séance : Émile Bordeleau-Pitre (UQAM)
13h00 La représentation des Africains subsahariens dans le roman Aline et Valcour du marquis de Sade - Luca Perluzzo-Massad (UQAM)
13h20 Venise, «capitale du XIXe siècle»? La disparition de la culture vénitienne au prisme littérature mineure vénitienne du XIXe siècle - Marguerite Bordry (Université Paris-Sorbonne)
13h40 Le Fragment romantique: rupture et représentation - Pascal Rioux-Couillard (UQAM)
14h00 Période de questions
14h30 Pause
Panel 3: Résistance et réappropriation culturelles
Présidente de séance : Fanie Demeule (UQAM)
15h00 Pélagie-la-Charrette d’Antonine Maillet: point de rencontre d’une tradition orale et écrite - Justine Peduzzi (Université de Lorraine)
15h20 A View of the Harbour d’Elizabeth Taylor ou la difficile intégration de la domesticité et de la modernité dans la littérature anglaise d’après-guerre - Virginie Lessard Brière (UQAM)
15h40 «Parents stink», «Janeyhates prison»: sortir de l’enclos littéraire avec les outils du maître - Amélie Langlois (McGill)
16h00 Période de questions
16h30 Mot de la fin... et petite bière.