À l’approche du centième anniversaire du surréalisme, il est important de souligner l’apport des écrivaines et des écrivains marginalisé·es au rayonnement du mouvement. Bien que plusieurs ouvrages critiques aient permis de donner une visibilité à des artistes qui demeuraient dans l’ombre de leurs confrères surréalistes, peu d’entre eux ont mis de l’avant l’œuvre de Joyce Mansour (1928-1986). Dès 1953, l’écrivaine, originaire du Caire, a ébranlé le milieu littéraire parisien avec son premier recueil, Cris. Le père du mouvement, André Breton, tomba alors sous le charme du « parfum d’orchidée noire – ultra-noire – de [ses] poèmes[1]. » Malgré une production foisonnante de plus d’une quinzaine de recueils de poésie, de quatre récits et d’une pièce de théâtre, Joyce Mansour ne figure que rarement dans les études littéraires consacrées aux avant-gardes. Nous désirons donc organiser une journée d’étude dédiée à l’autrice pour mettre en lumière son œuvre et lui rendre hommage, en espérant que « tout ceci [la] venge enfin des hommes qui n’ont pas voulu [d’elle][2] ».
L’écriture de Mansour se distingue par son caractère cru, choquant et surprenant ainsi que par son humour noir : « Je sais que les morts en coït muent et réapprennent à souffrir/ Quand la lune sort sa verge aux yeux de pluie[3] ». L’érotisme présent dans ses poèmes et ses contes, souvent joint à une troublante violence, émane d’un lyrisme si singulier qu’il force un regard pluriel. La dissémination de la voix parmi les désirs, les haines, les amours, les autres, les legs du passé et les attentes de l’avenir, tient certes de la virtuosité et l’impétuosité de Mansour, mais elle est aussi le signe d’un travail commun à l’époque qui consiste à mettre à distance du moi[4]. L’autrice se médiatise ainsi en exprimant d’étonnantes rencontres entre les genres, les règnes, les mots et les choses. Nous y consacrerons notre journée d’étude. Les propositions devraient interroger cette médiatisation en la percevant aussi dans les rapports intertextuels de son œuvre avec les auteur·rices de son époque, ainsi qu’avec les œuvres du passé ; dans ceux intermédiaux avec la littérature, la peinture et l’art ; dans ceux interdisciplinaires avec l’anthropologie, la psychanalyse, la sociologie et la politique ; ou encore dans ceux intersubjectifs avec la famille, les ennemis ou les amant·es.... Nous croyons que seule cette approche multiple et rhizomatique nous permettra d'engager une réflexion étendue sur une œuvre que sa très grande singularité semble voir condamnée à l'isolement.
PROGRAMME
9h15 : Ouverture des portes
9h30 : Mot de bienvenue
9h40 : Lecture de Joyce Mansour par Orane Thibaud
10h-11h : Dans le charnier de l’œuvre de Joyce Mansour : « Je suis moi-même. Je suis l’ennemi. Seule », Carole David
11h-12h15 : Au-delà de l’écriture, animé par Laurance Ouellet Tremblay
- « Joyce Mansour et les autres : faire communauté par le livre », Andrea Oberhuber
- « Être sauvage comme une image. Mansour se fait-elle du cinéma? », Sylvano Santini
12h15-13h45 : Diner
13h45-15h : E.R.O.S, animé par Karine Rosso
- « Érotique empoisonnée d’après Joyce Mansour et Claude Louis-Combet », Alexis Lussier
- « Repenser l’intime : la violence de l’érotisme chez Joyce Mansour », Eve Lemieux-Cloutier
15h : Mot de la fin
L'enregistrement est disponible sur le site de l'Observatoire de l'imaginaire contemporain.