Les Centres de recherche FIGURA de L’UQAM et le Centre pluridisciplinaire Textes et Cultures de l’Université de Bourgogne organisent, à l’université du Québec à Montréal (les 23 et 24 avril 2015) et à l’université de Bourgogne (en avril 2016), un colloque consacré au fragment du corps de 1800 à 1918.
Engoncé dans ses codes et sa pudibonderie, le XIXe siècle peine à laisser le corps exister. Littérature et arts de l’époque rendent compte de cette restriction en ne laissant apercevoir des corps que des fragments. Mais en retour ces morceaux choisis se chargent de sens, se voient investis d’un potentiel dont la charge diffère d’un artiste à l’autre.
Le potentiel érogène est sans doute le plus évident : comme le faisait remarquer R. Barthes dans Le Plaisir du texte, « l’endroit le plus érotique d’un corps n’est-il pas là où le vêtement bâille » et les artistes ont beau jeu de « reconstrui[re] les corps, brûlé[s] de belles fièvres », tel le Rimbaud d’À la musique. La femme devient cette fugitive dont l'artiste cherche à deviner le corps — et l'âme — dans les interstices de son échafaudage vestimentaire. Passante, il semble qu'elle abandonne sur la page ou sur la toile des éclats incarnés d'elle-même qui rythment la prose ou accentuent le trait.
Dans ce déploiement du corps fragmenté que donne à lire nombre de descriptions romanesques, le corps se fait collection et devient paradoxalement, à force de détails, souvent indéchiffrable; visible, mais éclaté, il en devient étrangement énigmatique. Ainsi, morceaux et fragments invitent à la recomposition d'un ensemble rarement homogène, sorte d'échafaudage esthétiquement subjectif où la partie peut devenir autant l'ombre du tout que sa mise en lumière, c'est selon. Au sein de ces architectures, si les corps se ressemblent, force est d'admettre que chaque partie d'eux-mêmes les individualise fortement. Le fragment de corps est un territoire en soi qui exprime moins la norme que l'exception. Aussi, le motif partiel prend une dimension fortement signifiante : inquiétant et indiciel dans la littérature fantastique, il devient désignation métonymique du caractère dans la littérature réaliste, du tempérament dans la littérature naturaliste. Une sémiologie du corps par fragments s'instaure, dont les arcanes restent à mettre au jour et que ce colloque multidisciplinaire voudrait éclairer.