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Appel à communications - « Héritages de Claude Cahun et Marcel Moore »

Depuis les années 1990, l’œuvre de Claude Cahun a été presque systématiquement interprétée à travers le prisme de l’esthétique surréaliste. En font foi les diverses expositions et publications en Europe et en Amérique du Nord ayant présenté Cahun aux côtés d’autres artistes du cercle surréaliste ou, parfois, dans le contexte plus général des avant-gardes de l’entre-deux-guerres. Or loin de n’être héritière que de ce seul courant, son œuvre littéraire et pictural, élaboré pour la plupart avec le concours de la peintre-graphiste Marcel Moore, se situe au carrefour de plusieurs influences : le symbolisme, le modernisme, Dada et le surréalisme.


Certains thèmes et motifs du travail du couple d’artistes (mythologie gréco-latine, narcissisme, androgynie, monstre, masque et double), de même que divers traits stylistiques (de l’esthétisation des sensations à l’« écriture artiste », en passant par les dessins d’inspiration Art Nouveau de Moore) relèvent de l’influence symboliste, notamment celle de Marcel Schwob pour ce qui est de l’écriture et d’Aubrey Beardsley et de l’estampe japonaise dans le domaine visuel. En revanche, le recueil de nouvelles Héroïnes s’inscrit dans le courant moderniste des années 1910-20 auquel Cahun, héritière d’une tradition familiale anglophile, ne pouvait qu’être sensible : les stratégies de réécriture de grandes figures mythologiques puisent allègrement dans l’ironie comme modalité de mise en cause non seulement de modèles féminins ancestraux mais également du discours ayant figé leur image depuis des siècles. Dans l’entre-deux-guerres, l’esthétique du collage Dada et les valeurs surréalistes (l’enfance, l’onirisme, l’hybridité générique, le double et la hantise, le fragmentaire, etc.) inspirent la création de son ouvrage autographique majeur, Aveux non avenus, des nombreux autoportraits, photomontages ainsi que des mises en scène d’objets surréalistes. Avec Aveux non avenus et Cœur de Pic (de Lise Deharme et Claude Cahun), Cahun et Moore reconfigurent l’objet livre dans ses dimensions matérielle et collaborative, un travail amorcé par Dada et le surréalisme qui fera fortune tout au long du XXe siècle et jusqu’à nos jours sous la forme du « livre d’artiste », tel que pensé par Edward Ruscha, Robert Filliou, Christian Boltanski et Annette Messager, entre autres. La politisation de la pensée cahunienne s’opère avec l’essai Les paris sont ouverts, rédigé sur l’instigation de Breton peu avant l’exil de Cahun et de Moore sur l’île de Jersey où l’auteure reprendra le fil auto(bio)graphique dans un texte resté à l’état de fragments, Confidences au miroir.


Le colloque sera l’occasion de nous interroger d’une part sur les héritages littéraires, esthétiques et éthiques dont a profité le couple Cahun-Moore dans leur démarche entre les courants littéraires et esthétiques, entre les arts et les médias, entre les genres masculin/féminin ; d’autre part, compte tenu de la valeur avant-gardiste d’un large pan de leur œuvre, il s’agira de s’intéresser aux traces laissées dans l’œuvre de potentiels héritiers, que cet héritage soit revendiqué ou non. Ainsi, l’on peut penser à des artistes comme Orlan, Matthew Barney, Cindy Sherman, Sophie Calle ou Michaela Moscouw. À la lumière de différentes approches (de l’histoire littéraire aux gender studies en passant par les rapports texte/image, les études intermédiales et la poétique des genres), les chercheurs seront invités à réfléchir aux notions d’héritage et de filiation, de seuil et de frontière, de partage et de passage.

Propositions de communication (300 mots) à soumettre au plus tard le 15 octobre 2014 à
andrea.oberhuber@umontreal.ca et alexandra.arvisais@umontreal.ca