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Appel à communications - La littérature québécoise de 1990 à aujourd’hui : doutes, certitudes et espaces de nouveautés

La littérature québécoise de 1990 à aujourd’hui : doutes, certitudes et espaces de nouveautés

Journée d’études organisée par Evelyne Gagnon et Patrick Tillard
CRILCQ - Université de Montréal
Le 3 avril 2012

Au Québec, poésie et littérature ont été légitimées, au cours de la Révolution tranquille, à travers un espace construit sur les fractures de l’histoire, dans l’adversité d’une langue confrontée à l’apocalypse de sa destruction et à des rapports de classe opérant contre elle. Issue de cette réalité complexe, menacée par plusieurs écueils, la littérature québécoise a exploré des matériaux poétiques qui lui sont spécifiques (la pauvreté, la résistance, la nature, le nomadisme, etc.).

Dans les années 1960, la construction d’une sphère nationale, symbolique, culturelle, politique, aura presque fétichisé la littérature québécoise en l’expression unifiante d’une prise de conscience neuve, ce qui participa pleinement à l’affirmation de cette littérature dans les contextes culturels nord-américains. Or, à partir des années 1980, une relecture critique de cette époque  a permis de constater que ces œuvres fondatrices témoignaient déjà d’une profonde remise en question identitaire, d’une parole contrariée qui révèle souvent, en filigrane, son impuissance. Rétrospectivement, on comprend donc que l’enthousiasme, l’affirmation, la foi dans le progrès propres à la Révolution tranquille se heurtent rapidement à une conscience moderne du tragique et à un sentiment irrémédiable de négativité qui mènent la littérature québécoise vers les territoires de la destruction créatrice, vers des esthétiques du ratage, de l’ironie, de la discordance; conditions d’une réelle vitalité littéraire puisant à même cet « héritage de la pauvreté » (Yvon Rivard).

Si le début des années 1970 s’avère marqué par les avant-gardes formalistes, la contre culture et les écritures des femmes, les années 1980 voient pour leur part éclore les écritures migrantes et le mouvement intimiste, alors que l’influence de l’américanité se prolonge. D’ailleurs, de nombreux écrivains québécois ayant gravité autour des ces tendances multiples affichent aujourd’hui une œuvre considérable, mature, et toujours en évolution (Victor-Lévy Beaulieu, Jacques Brault, Jacques Poulin, Nicole Brossard et Michel Tremblay, pour ne nommer que ceux-là).Toutefois, aucun courant unifiant ne semble s’imposer au cours des plus récentes décennies (de 1990 à aujourd’hui). Au Québec, derrière l’écran d’une littérature identitaire s’exhibe dorénavant une forme de « décentrement » (Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge), voire un certain désarroi devant la réduction grandissante de la légitimité de cette littérature, sa précarité et sa marginalisation dans la culture. L’évocation de « textes extrêmement personnels, des récits de soi qui s’écrivent à la frontière entre la littérature et le témoignage intime  »  est-elle l’expression naissante d’un nouveau projet littéraire ou est-elle le symptôme d’un mal indéterminé ? Une certaine fatigue, quelque déception voire une pointe de condamnation de la critique mérite également qu’on s’y attarde, mais il importe tout autant d’analyser les forces et les tensions non convertibles à cette évolution, de lire dans la littérature québécoise autant de caractéristiques non réductibles qui entendent se soustraire au mécanisme totalisant de la valeur d’échange et de l’indifférencié.

Depuis le tournant du XXIième siècle, la littérature québécoise voit ses frontières culturelles bouleversées. Les conséquences de la mondialisation, l’industrialisation de la culture, le formatage des esprits, les stratégies de marketing éditoriales, un nouvel ordre narratif (Christian Salmon), une pensée identitaire en ordre dispersé, la place précaire de l’écrivain dans la cité  pèsent sur le présent de la littérature québécoise. De plus, l’image anesthésiante de la culture véhiculée par les médias de masse évince la littérature quand elle ne la déligitime pas.

Cette journée d’études entend explorer aussi bien les incertitudes, mais aussi les lieux réaffirmés de sa spécificité; là où la littérature québécoise se ressource, s’alimente, mute, afin de se renouveler. Les communications pourront porter, d’une part, sur les tendances qui dessinent la littérature québécoise actuelle tout autant que sur les œuvres les plus prometteuses qui en émergent. D’autre part, on s’intéressera aux conditions de production et d’édition.

Voici quelques pistes de réflexions que nous souhaiterions voir abordées ; elles ne sont pas limitatives :

• Assiste-t-on à un essoufflement de l’intimisme? Certaines écritures renouent en effet avec la réflexion philosophique ou encore avec des thématiques près du terroir, alors que d’autres explorent de nouvelles spatialités (espaces urbains ou mondialisés, non lieux de la surmodernité ).
• Quelles œuvres semblent davantage significatives ? Il s’agira alors d’explorer la poétique d’un auteur spécifique ou un ensemble d’œuvres diverses qui semblent affirmer une importance certaine dans le champ littéraire ou encore annoncer des espaces de nouveautés fertiles.
• Diversité culturelle, transculture, métissage, sont-ils toujours dynamisants en termes de réception, d’attentes et d’échanges. Quelles sont les significations et mutations des « littératures migrantes » en ce carrefour du XXième et du XXIième siècle ?
• Quels seraient les enjeux subversifs liés à une littérature résistante et d’affirmation, qui se construit sans doute dans quelques anfractuosités ? Quels sont ses thèmes et ses objets ? Quelle est sa capacité de représenter et de réfléchir le monde actuel? Et quels piliers affronte-elle ?
• Les nouvelles textualités (livre numérique, blogs, écritures multimédiatiques) permettent-elles de donner un sens et un écho neufs à cette littérature qui se revendique plus libre et se veut débarrassée des contraintes professionnelles et de l’encadrement législatif ?
• Enfin, pourquoi une certaine qualité de sédition n’interpelle-t-elle pas ou peu le territoire éditorial québécois ? L’institution littéraire, la critique, les subventions globales ont-elles un rôle dans cette situation ?
• Quelle est la place de l’écrivain et du poète dans la cité en ce début du XXIième siècle?

Vous êtes invités à nous faire parvenir une proposition de communication de 250 mots, ainsi qu'une courte notice biobibliographique avec vos coordonnées et votre institution d’attache, avant le 15 février 2012, aux adresses suivantes :


evelyne.gagnon@umontreal.ca
patrick.tillard@umontreal.ca