Le Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire Figura présente le colloque Imaginer l’avant-garde aujourd’hui. Enquête sur l’avenir de son histoire, qui aura lieu les 10-11 juin 2010, au Monument-National, à Montréal.
L’avant-garde
n’existe plus comme telle. Elle est assignée désormais au passé comme
un objet de mémoire dont il ne reste plus qu’à concevoir l’histoire, en
éclairant ses divers épisodes, en suivant leur succession et en
analysant leurs effets aussi bien sur l’institution artistique que sur
les conceptions de l’art qu’ils ont bouleversées.
Tout porte à
croire que l’effort de penser l’avant-garde se limite aujourd’hui à un
acte de description a posteriori. Le seul plaisir de rendre
intelligible le passé ou encore, plus simplement, la passion des
archives justifie assez bien cet effort. Mais celui-ci n’aurait-il pas
d’autres effets ? Il faut, croyons-nous, reposer la question en
d’autres termes : non pas simplement « penser » mais bien « imaginer »
l’avant-garde aujourd’hui. Cette légère correction n’est pas qu’un jeu
de mot, elle porte à conséquence, car l’imagination dispose très
souvent à envisager le proche avenir. Reprenons alors le
questionnement. Si l’avant-garde n’est plus qu’un objet de mémoire, si
elle n’a d’autre horizon à offrir que son propre passé, on peut tout de
même méditer sur les événements actuels ou à venir de son histoire.
Imaginer l’avant-garde aujourd’hui consiste à anticiper les
conséquences de la mise en récit de son passé. Qu’est-ce que l’histoire
de l’avant-garde peut bien produire comme effets sur l’art et la
littérature de nos jours ? Effets dont la valeur peut être tout aussi
bien positive que négative. Il semble effectivement aisé d’imaginer que
l’avant-garde puisse servir, comme histoire, de justification à une
nouvelle expérience artistique ou, à l’inverse, de contre-exemple. Les
leçons que l’on se plaît à tirer de l’avant-garde vont sans aucun doute
dans les deux sens. C’est ce genre de questionnement que nous aimerions
poursuivre dans ce colloque en nous efforçant de trouver et d’analyser
des objets qui, en imaginant une histoire de l’avant-garde, lui dessine
nécessairement un avenir.
Les pistes de réflexions sont
innombrables, tout comme les objets du reste. Nous tenterons tout de
même de les rassembler sous quatre directions. Nous n’avons pas la
prétention de faire complètement le tour de la question, mais
l’ambition plus modeste d’en proposer une première approche. Nous
souhaitons que ces directions, aussi différentes soient-elles,
parviennent à susciter un véritable échange entre plusieurs domaines.
Les questions que nous avons formulées sous chacune des directions ont
une valeur indicative. Cela signifie que les collaborateurs sont
entièrement libres d’interroger leur objet à partir de leur propre
questionnement, en autant que l’orientation du colloque soit
minimalement respectée.
1. Histoire et théorie
La
première direction sera de type historique et théorique. Il s’agira
d’une investigation qui tâchera de répondre à différentes questions qui
touchent directement à notre rapport avec l’avant-garde comme objet du
passé. À quoi sert-il de faire l’histoire de l’avant-garde ? Ou encore
d’en faire la théorie a posteriori ? Quel imaginaire cette histoire ou
cette théorie nourrissent-elles ? Ou encore, à quel imaginaire
répondent-elles ? Peut-on en parler comme d’un désir de perpétuer
l’avant-garde, d’une nostalgie de ses belles années ou encore d’une
leçon à retenir que ce soit dans une perspective positive ou négative ?
On pourrait également interroger les concepts qui ont participé à faire
de l’avant-garde un objet du passé, comme celui de « post avant-garde »
proposé par Octavio Paz pour parler de poètes latino-américains. Il y
aurait lieu finalement d’interroger les différents contextes de
l’avant-garde en vue de les comparer aux multiples situations des arts
aujourd’hui : qu’est-ce qui s’opposerait actuellement à la réapparition
de l’avant-garde ? Quelles conditions la disposeraient, au contraire, à
une renaissance ?
2. Analyse
Cette seconde direction
a pour visée d’orienter la réflexion à partir d’analyses d’œuvres
actuelles ou de groupes qui essaient ou bien de répéter, de copier, de
pasticher les différents modes de l’avant-garde ou bien de la
représenter en usant d’ironie. À qui ou à quoi s’adresse-t-on
aujourd’hui lorsqu’on fait de l’avant-garde un objet d’imitation, de
fiction ou, encore, de moquerie ? Quel genre et mode de représentation
imagée émergent des œuvres qui y font référence aujourd’hui
(personnages, postures, discours, manifestations diverses; récits au
passé, au présent, au futur, anachronique, etc.) ?
3. Concepts et affects
Cette
troisième direction sera destinée à un examen des concepts, des
notions, des désirs et des ambitions qui ont directement concerné
l’avant-garde. On pourrait ici examiner ce qui reste de l’expérience
formelle, de la performance, de la contrainte ou du jeu; ce qu’il en
est du désir de changer les perceptions, les codes esthétiques ou les
postures de l’artiste; ce qu’il advient de l’engagement politique, des
actes collectifs et des manifestes. À quelles conditions peut-on encore
se référer à l’interprétation avant-gardiste de ces concepts, de ces
notions ou de ces désirs ? Mais surtout quel type de croyance ou de
conviction mobilise-t-on en le faisant ?
4. Pronostic
Cette
dernière direction exige du chercheur qu’il s’engage à prendre acte
lui-même de l’avenir de l’histoire de l’avant-garde soit en revenant
sur une œuvre, un groupe ou une période précise du passé de
l’avant-garde pour y débusquer des effets résiduels qui auraient
potentiellement une influence sur nos conceptions actuelles de l’art,
soit en imaginant une continuité entre l’avant-garde et les nouvelles
formes d’art hypermédiatiques. Cette direction ne viserait pas à
contredire la disparition effective de l’avant-garde (bien que cette
perspective puisse être envisagée), mais à mettre en lumière certaines
de ses conséquences qui ne se sont pas éteintes avec elle.
Comme
l’une des ambitions de l’avant-garde était de décloisonner les
disciplines, ce colloque adopte une perspective interdisciplinaire. Les
chercheurs en littérature, en histoire de l’art, en arts médiatiques,
en musique, en cinéma, en théorie, etc. sont tous invités à y
participer. Par ailleurs, l’avant-garde poursuivait un projet d’autant
plus vaste qu’elle ne se limitait à aucune frontière. Ce colloque ne
voudrait pas manquer de le souligner en conviant des personnes ⎯ des
imaginaires ⎯ de tous horizons.
Comité organisateur : Bertrand Gervais : Directeur de Figura et professeur en études littéraires de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) et Sylvano Santini : Chercheur postdoctoral Figura (site UQÀM)
Les propositions de communication (250 mots) devront parvenir avant le 1er février 2010 à Sylvano Santini : santini.sylvano@courrier.uqam.ca / sylvano.santini@yahoo.ca