Colloque international interdisciplinaire, sous la direction de Christian Biet, Stéphanie Loncle, Martial Poirson et Geneviève Sicotte
Université Concordia (Montréal, Canada)
Jeudi 17 et vendredi 18 mars 2011
Dans le sillage des travaux récents menés sur la question de la représentation de l’argent et de l’économie dans les fictions littéraires et les arts aux XVIIe et XVIIIe siècles, nous proposons aujourd’hui de poursuivre ces investigations pour la période allant du XIXe au début du XXIe siècles, encore relativement peu explorée à ce jour. Laissant volontairement de côté monographies et approches thématiques, on cherchera surtout à mettre en évidence les procédures et expérimentations de type économique littéralement à l’oeuvre dans les textes littéraires, afin d’isoler des schèmes communs de fonctionnement et des régimes de fictionnalité comparables. La multiplication des supports et des formes de la fiction dans cette période (livres, journaux, spectacle vivant, cinéma, télévision, multimédia) nous a conduits à ne pas préjuger d’un mode d’expression particulier (même si la littérature est susceptible d’être particulièrement bien représentée compte tenu de son rapport privilégié à la fiction). En outre, la question de la fiction nous semble au coeur du problème posé par la relation entre l’art et l’économie sur cette période historique. En effet, au cours des XIXe et XXe siècles, dans le cadre de l’émergence progressive et problématique des sciences sociales, l’économie, comme discipline productrice de savoirs à prétention hégémonique, s’affirme de façon polémique comme une science du réel, une représentation théorique capable de rendre compte du fonctionnement du réel et même de l’anticiper, basculant insensiblement du descriptif au prescriptif et du prescriptif au normatif. Ce faisant, elle devient un outil légitime pour gouverner et exercer un pouvoir de domination et de contrainte. Pendant la même période, le critère de distinction entre le littéraire et le journalistique, entre le cinéma et le documentaire, ou encore entre le théâtre et la conférence, autrement dit, entre ce qui relève de l’art et ce qui n’en relève pas, apparaît comme le critère qui sépare la vérité de la fiction.
Comment interpréter ce double mouvement qui conduit à une forme de partage du domaine des représentations et donc du travail intellectuel, entre d’un côté l’économie, ou plus largement les sciences sociales et de l’autre, les modes d’expression artistique : représentations revendiquant un caractère scientifique et une certaine forme d’utilité sociale pour les uns, représentations fictionnelles n’ayant d’autre finalité qu’elles-mêmes pour les autres. On serait tenté de suggérer que ce partage entre science et fiction correspond aussi à un partage des usages : l’économie serait par exemple destinée à alimenter le débat public, politique, tandis que la fiction serait vouée à aborder ce qui est de l’ordre de la sphère privée. Il faudra interroger cette hypothèse, qui, en particulier, devient problématique dans le cadre des représentations éminemment publiques du spectacle vivant, quand bien même ces spectacles reposent sur des fictions de l’intime, comme par exemple dans une grande partie du drame moderne et contemporain. On pourra aussi s’interroger sur le plaisir attaché à chacun de ces domaines.
Par ailleurs, quelles sont les conséquences d’une telle distinction dans la constitution de chacun des domaines de l’économie et des arts de la fiction ? Et quelles sont les conséquences de cette distinction dans les relations qui s’établissent entre ces deux domaines ? Présuppose-t-elle des points de rencontre possibles, et inversement exclut-elle par avance un dialogue théorique entre les disciplines ? Autorise-t-elle uniquement la représentation de l’économie dans la fiction ou l’étude de l’économie de la production de fictions ? Dans quelle mesure et à quelle occasion y a-t-il contamination de l’un par l’autre ? Et qu’advient-il quand la fiction se pense comme une représentation du réel, y compris dans sa dimension économique, plus productrice de savoir que la discipline économique elle-même ? Inversement, qu’advient-il quand l’économie se dote de fables et de métaphores et se revendique comme productrice de fictions efficaces pour rendre compte des phénomènes a priori réservés à la fiction et les investir d’une efficacité performative particulière : l’amour, la famille, la formation ou l’initiation de la jeunesse devant la vie…
Ces questions devraient nous conduire à étudier notamment les axes suivants :
• Les formes de la présence de l’économie dans les différents types de fiction et inversement, l’utilisation par l’économie de la fiction ou au contraire son déni.
• Les lieux du dialogue théorique entre la fiction et l’économie politique : quelle approche du réel ? quelle méthode expérimentale? quelle politique de la vérité?
• Les contextes de la production et de la distinction des champs économiques et fictionnels.
• Les modes économiques de la production fictionnelle et les conséquences de ces modes de production sur la fiction elle-même.
Colloque organisé par Christian Biet, Stéphanie Loncle, Martial Poirson et Geneviève Sicotte avec le soutien de l’Université Concordia, de l’Université Paris Ouest-Nanterre (HAR Histoire des Arts et des Représentations, EA 4414), de l’Institut universitaire de France, du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et de Figura, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire.
Prière d’envoyer vos propositions de communication, d’environ 750 mots, avec un titre, même provisoire, et en incluant vos coordonnées, votre affiliation institutionnelle, une adresse postale et une adresse électronique avant le 30 juin 2010 à figura@alcor.concordia.ca