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Événements de réception

Appel à communication

Colloque à l’Université de Tartu (Estonie), 19-21 novembre 2020

Ce colloque s’inscrit dans un projet de recherche transdisciplinaire sur l’événement de réception mené conjointement à l’Université de Tartu, Aix-Marseille Université et l’Université Côte d’Azur. Il vise à étudier la réception des représentations (littéraires, artistiques, mais aussi médiatiques, historiques, etc.) et comment celles-ci peuvent faire événement pour des lecteurs/spectateurs donnés. Laissant de côté l’événement que peuvent provoquer certaines représentations et qui s’apparente au fait historique (pensons à certains scandales littéraires causés par la parution d’œuvres réprouvées), il s’attache aux représentations du point de vue de leur réception, où se sont les expériences de lecture/spectature singulières (éventuellement partagées par une communauté) qui font événement. Dans le contexte actuel de prolifération des représentations et de leurs supports –notamment écraniques–, il semble pertinent de ré-interroger l’expérience de réception à travers les événements qui peuvent s’y manifester.

Dans ce projet de recherche, la notion d’événement de réception s’appuie sur celle d’événement de lecture, «avènement du sens pour le lecteur», elle-même fondée sur l’appréhension de l’événement théorisée notamment par Alain Badiou: «l’événement c’est d’abord l’apparition de l’inexistant et l’apparition d’un inexistant entraîne toujours dans sa périphérie une figure de destruction», et Claude Romano, pour qui l’événement prend sens à travers un sujet «ouvr[ant] un monde en (re)configurant ses possibles». Aussi, même si l’événement de réception est soumis au hasard d’une rencontre inattendue avec une représentation, il semble répondre à une situation arrivée à maturité, à une nécessité du sujet. Cet événement n’existe pas en dehors du sujet récepteur, mais il peut faire l’objet d’une mise en récit, d’un partage. L’intérêt et la complexité de l’événement de réception tiennent notamment aux réactions et transformations qu’il peut susciter: sa dimension destructrice peut entraîner une forme de perte chez les récepteurs, mais aussi produire une résistance comme un détachement, qui pose alors la question du non-événement, en l’absence d’identification et de réaction des sujets. 

Dans ce colloque, l’événement de réception pourra être saisi à partir d’autres approches, afin notamment d’étoffer l’appréhension de ce phénomène. En effet, si l’événement de réception peut procéder des théories de la réception et de la lecture, il concerne de près d’autres perspectives qui ont la représentation et ses dispositifs pour objet d’étude. On peut tout d’abord penser au vaste champ de l’esthétique qui se préoccupe notamment de la relation entre l’œuvre et le spectateur, abordant entre autres l’expérience du Beau, la délectation esthétique, l’expérience esthétique, l’esthétique de la rencontre, mais aussi la dimension déceptive des œuvres, la stimulation faible des sens, voire leur anesthésie recherchée. On peut également penser à la sémiologie et à sa notion d’interprétant, de même qu’aux concepts de punctum et de studium que Roland Barthes a développé pour la photographie, où «[l]e punctum d’une photo, c’est ce hasard qui, en elle, me point (mais aussi me meurtrit, me poigne)». En outre, la théorie des affects souligne la place des affects vis-à-vis de la raison quant aux représentations qui circulent dans la société civile et permet de réfléchir à la constitution de communautés à travers la réception. Par ailleurs, en s’intéressant aux liens complexes entre expériences traumatiques, objets culturels et récepteurs, la théorie des traumatismes offre une appréhension nuancée de la temporalité de l’événement et de sa mise en récit. De manière approchante, certaines études sur l’image, comme celles de Georges Didi-Huberman à la suite d’Aby Warburg, insistent sur la survivance de certaines images (nachleben), entre remémoration et anticipation, permettant peut-être de renouveler l’appréhension du fonctionnement des images dans l’événement qu’elles peuvent susciter. En contrepoint, les études sur l’altérité (en anthropologie, mais aussi plus marginalement dans d’autres disciplines –pensons à l’exotisme de Victor Segalen) permettent, elles, de penser le rapport entre confrontation et construction dans l’expérience des représentations et des événements qu’elles peuvent provoquer. Enfin, à la suite de Freud, les psychanalystes ont fréquemment dialogué avec des œuvres (littéraires, picturales, plus rarement musicales ou scéniques), proposant à cette occasion des modélisations des effets subjectifs ou subjectivant d’une œuvre. On sait ce que la psychanalyse a apporté à la pensée sur l’événement, tant dans sa temporalité (avec l’effet d’après-coup, nachträglichkeit), que dans sa réalité (l’abandon de la neurotica reviendrait à renoncer à l’évènement réel pour faire du fantasme lui-même un évènement). Mais de quelle manière pense-t-elle la question de la réception? Tandis que l’Unheimlich révèle que l’hôte était déjà présent avant même la réception, certaines rencontres avec une œuvre relèvent plus de la sidération, requérant dès lors l’invention d’un signifiant nouveau pour en rendre compte (désidération). Entrelacer événement et réception permet donc de relancer la position du psychanalyste devant l’œuvre aussi bien que la réflexion sur l’usage des œuvres dans les dispositifs de médiations thérapeutiques par l’art, fortement référés à la psychanalyse. 

 

Cet appel à communications s’adresse aux chercheurs et étudiants des cycles supérieurs en sciences humaines et en arts, ainsi qu’aux artistes et écrivains, qui s’intéressent aux événements de réception. Les présentations, d’une durée de 20 minutes, pourront être faites en français ou en anglais. Les propositions seront reçues jusqu’au 1er mai 2020 1er juin 2020, par courriel, aux trois organisateurs: sara.bedard-goulet@ut.eedamien.beyrouthy@univ-amu.fr et frederic.vinot@univ-cotedazur.fr. Elles devront être composées du titre de la présentation, d’un descriptif de 10 à 20 lignes, du nom de la conférencière ou du conférencier, de son affiliation institutionnelle et de son statut, ainsi que de son adresse courriel. Une réponse sera rendue le 1er juin 2020. Les frais de déplacement et de séjour devront être pris en charge par les participants.

Participation / Organisation

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