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«Just one more thing»: les styles aberrants de Columbo

Appel à communication

Œuvre culte du premier âge d'or des séries télévisuelles, Columbo (W. Link et R. Levinson, 1971-8/ 1989-2003) prit délibérément le contrepied des principaux codes des fictions policières qui envahirent les petits écrans de la Guerre Froide. Contre le modèle hégémonique du «whodunit», elle paracheva la structure ironique de l´intrigue inversée (le lecteur connaît d'emblée le récit du crime, l'intérêt du récit d'enquête se déplaçant sur le comment de la reconstitution établie par l´enquête). Inaugurée par la série John Thorndyke d'Austin Freeman, cette variante subtile de la macrostructure policière permit de libérer la machinerie herméneutique du paradigme indiciaire étudié jadis par le sémiologue italien Carlo Ginzburg. Affranchie du jeu de pistes traditionnel axé sur le dévoilement du récit caché qu'il guette, le récit d'enquête concentre désormais en lui-même les effets de suspense, dans l'attente du dernier détail fatal qui permette la parfaite démonstration du sémiologue sauvage qu'est, nouveau Diogène, le vieux lieutenant à l'imperméable fripé. 

De ce renversement sémiotique tout semble témoigner dans la série, du générique inversé de fin au manque de générique initial (avec déplacement du rôle musical de celui-ci vers la ritournelle enfantine «This Old Man», érigée en signe révélateur du progrès de l'enquête). Contre la figure du génie excentrique, aux relents aristocratiques, Columbo semble incarner, comme le signalait Umberto Eco, l'Everyman de ce médium qui se dit essentiellement démocratique qu'est la télévision. Contre le détective hard-boiled il ne déploie jamais une force physique qui lui fait cruellement défaut (allant jusqu'à la poltronnerie) et n'accumule aucun exploit sexuel, évoquant toujours la figure éternellement absente de sa femme invisible (sage Pénélope qui n'existe peut-être que dans son imagination). Mais, improbable synthèse, il garde du premier le topos cardinal du «fin limier» et du deuxième son rôle de révélateur de la corruption des élites états-uniennes (dans leur ultime expression qu'est la haute société californienne, arpentant le territoire même du «L.A. noir»). Farfouilleur en apparence, indélicat indiscret, frimeur pour la cause, bref une mécanique aux airs démontés qui traque et trappe. Essentiellement moyen mais superbement opiniâtre, son triomphe sur les stars machiavéliques qu'il croise n'en est que plus jouissif pour les téléspectateurs implicites qui s'y reflètent. Et comme pour redoubler la scène qu’il s’amuse si bien à déconstruire, Columbo est un maître d’illusion en renversant le jeu criminel pour un seul interprète.

Enfin, loin d'effacer, comme c'était le propre de l'industrie télévisuelle, le manque d'auctorialité dans une énonciation parfaitement lisse, la série affiche l'art de la variation qui la domine, mettant de l'avant la prolifération ludique de réalisateurs (S. Spielberg, J. Demme, B. Gazzara, P. McGoohan, T. Post, voire Peter Falk lui-même), de scénaristes (S. Bochco, J. Latimer, Ed McBain, etc.), d'acteurs (P. McGoohan, W. Shatner, M. Landau, J. Cassavettes, Johny Cash, etc.) et de musiciens (D. DebEnedictis, P. Williams, H. Mancini, etc.).

Malgré le rôle capital de cette série qui a survécu, au gré des constantes rediffusions, plusieurs générations, la critique l'a outrageusement ignorée. Parmi les rares études qui y lui ont été consacrées signalons, outre les remarques éparses de l'incontournable Umberto Eco et quelques guides de fans éclairés (dont notamment The Columbo Phile: A Casebookde Mark Dawidziak, 1989, et Columbo Under Glassde Sheldon Catz, 2016), celles très récentes de Serge Constant (Columbo ou La revanche du petit, 2017), Lilian Mathieu (Columbo, la lutte des classes ce soir à la télé, 2019) et Michael Striss (Columbo –der Mann der vielen Fragen: Analyse und Deutung einer Kultfigur, 2019).

Dans le sillage de celles-ci nous vous invitons à une réflexion collective sur les multiples aspects de cette série bien-aimée dans une journée d´études interdisciplinaire, la toute première à lui être consacrée. Tout en étant parfaitement conscients qu'il restera toujours, sur le seuil de la porte, une dernière question à répondre, nous proposons, entre autres, d'aborder les perspectives suivantes: 

Columbo et la semiosisColumbo et l'imaginaire social; Columbo et la fiction policière; Columbo et l'histoire des séries télévisuelles; Columbo et la criminologie; Columbo et la psychologie; Columbo et la musique; Columbo face à sa doublure en français; Columbo et les Échos intermédiatiques; Columbo et le gender.

Organisée par Antonio Domínguez Leiva et Sylvano Santini, cette journée d´études s’inscrit dans le cadre des activités de Figura et de Pop-en-Stock (UQAM).

Elle se déroulera le 18 septembre 2020 à l’UQAM. Les propositions de contribution (environ 300 mots), ainsi qu’une brève notice bio-bibliographique, devront être envoyées avant le 11 mai 2020 à l’attention d´Antonio Domínguez Leiva et Sylvano Santini à l’adresse suivante: dominguez_leiva.antonio@uqam.ca et santini.sylvano@uqam.ca

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