Colloque ÉCRiDiL « Écrire, éditer, lire à l’ère numérique »
Deuxième édition – Montréal, 30 avril-1er mai 2018
Le colloque ECRiDiL étudie sans les séparer les trois usages fondamentaux de la chaîne du livre (ÉCRire, éDIter, Lire) à partir de la culture de l’innovation par le design, dans l’esprit de l’innovation sociale et numérique.
Après plus d’une décennie d’expérimentations sur le livre numérique (depuis les premières liseuses et l’adoption du standard epub), les discours soutiennent soudain l’idée d’une certaine faillite de la révolution annoncée pour le livre dans un contexte numérique, à grands renforts d’études, par exemple, sur la préférence des jeunes pour les livres sur support papier. C’est pourtant là faire l’impasse de transformations profondes dans les pratiques de production et de consommation du livre aujourd’hui – depuis le succès de la plateforme Kindle d’Amazon, de nouveaux modes de circulation du savoir scientifique (pensons à l’enjeu du libre accès et de la structuration des contenus), les nouvelles formes numériques de diffusion de la culture, jusqu’aux statistiques impressionnantes d’adhésion au prêt numérique d’ouvrages dans les bibliothèques publiques. S’il y a certainement une conception conventionnelle du livre qui persiste dans les esprits et les préférences des lecteurs (rattachée à son acquisition, à sa manipulation, à sa possession physique sous forme de codex), un examen du spectre large des manifestations du livre aujourd’hui ne peut écarter une pénétration avérée du numérique dans ses modalités d’existence. Au cœur de ce colloque s’inscrit un questionnement fondamental et transversal : qu’est-ce qu’un livre ? Comment est-il appelé à se transformer en contexte numérique ?
S’inscrivant dans un esprit d’innovation – celui des formes et des pratiques, mais aussi celui des processus et des méthodes –, l’édition 2018 du colloque ÉCRiDiL souhaite prendre appui sur les expérimentations de la dernière décennie pour mieux se projeter dans un avenir qui, bien que spéculatif, permettra aux acteurs du monde du livre d’envisager de nouvelles voies pour la création, l’édition et la diffusion. La rencontre de praticiens (éditeurs, écrivains et designers), de chercheurs et d’acteurs de l’expérimentation (graphique, multimodale, logicielle) se placera sous l’égide de la pensée du design, conduite par les facteurs humains et les finalités sociales, afin d’exploiter les potentialités de la forme et de l’expérientialité du livre, de ses mises à l’épreuve et d’un examen critique de sa performance. Si la réflexion sur les modes de circulation du savoir et des contenus ne peut plus faire l’économie du contexte numérique et d’une large vision des digital humanities qui viennent l’éclairer, leur incarnation concrète dans des projets, des prototypes et des coups de sonde appelle à une exploration large, autant rigoureuse que visionnaire, des possibilités existantes et futures pour le livre – dont la définition demeure résolument au cœur de cet événement.
Trois principales thématiques structureront les présentation et les échanges.
1. Enjeux techniques, nouveaux territoires.
La question technique/technologique balise entièrement notre expérience du livre (on l’oublie parfois, mais le codex demeure une innovation technique fascinante !). Le caractère innovant du livre numérique a généralement été réduit à la question des formats de fichiers (les standards epub et protocoles concurrents, les verrous numériques...) et à celle des surfaces (liseuses, e-ink, tablettes et mobiles, lisibilité des écrans…). Il importe de dépasser ce qui est déjà considéré comme des lieux communs pour voir au-delà – ou au travers. Comment articuler la création de web books et la réalité de la distribution, de la visibilité des livres ? Quels apprentissages tirer des initiatives innovantes du secteur de l’édition scientifique – balisage de contenus, enrichissement en métadonnées, forme linéaire ou tabulaire du livre, gestion des lectorats... ? La démocratisation des technologies immersives (réalité virtuelle, réalité augmentée) et l’accélération fulgurante des accès à des ressources en intelligence artificielle bouleverseront-elles les possibilités de création et de mise en œuvre des livres à courte échéance, de même que l’identité même du référent « livre » ?
2. Écritures renouvelées.
Soumise depuis des décennies à sa transformation par le contexte numérique, l’écriture (littéraire ou documentaire) s’est en quelque sorte réfugiée dans deux zones – celle d’une perméabilité profonde aux possibilités médiatiques (hypermédialité, décentrement du texte) et celle d’une permanence des traditions rhétoriques et compositionnelles de la littérature sur papier. Une telle polarisation tend à attester une intégration encore difficile des moyens numériques du livre et ceux du texte. En suivant une pensée du design, les expérimentations du livre en contexte numérique constituent des foyers de création privilégiés pour favoriser une réelle recherche des possibilités multimodales des écritures contemporaines, en tenant compte des écritures sensorielles, visuelles, auditives et haptiques qui forment également les interfaces du livre de demain. Quelles sont ses affordances, ses mutations, ses extensions sur le plan du design ? Comment l’épaisseur sémantique des œuvres littéraires peut-elle être servie par des procédés techniques (textes superposés, enrichissement sémantique de mots, manipulations typographiques) ? La gestion de l’espace de la page, fondamentale pour l’édition papier, s’est-elle renouvelée sur les écrans au travers même des traits de la composition littéraire ? La littérature et le design, notamment, se frottent ainsi à l’importance croissante d’une prise en charge de l’expérience proposée aux lecteurs.
3.Design et cocréation.
Discipline conduite par les facteurs humains, les usages et les finalités sociales, le design appelle la collaboration étroite de ses acteurs dans la mise en forme des contenus et de l’ensemble des paramètres impliqués dans un projet. Le développement des livres numériques, dans les dernières années, a trop souvent fait l’impasse sur cette communication nécessaire à une réelle intersection des enjeux de la création et des moyens de l’édition. Les possibilités techniques de création de formes ou de mise en forme restent souvent liées à des compétences informatiques, en négligeant les apports du design graphique, d’information et d’interaction, pourtant fondamentaux à la création; à l’inverse, la capacité de donner forme à un projet littéraire ou documentaire relève de la créativité propre de l’écrivain, du scripteur ou du designer. C’est sans étonnement que l’on constate que les projets numériques les plus convaincants (des projets littéraires ou transmédiatiques) ont été réalisés grâce à une réelle cocréation, synchrone et participative, entre des acteurs du numérique (designers et développeurs) et des créateurs littéraires. Quelles modalités mettre en place pour aménager les conditions nécessaires à ces collaborations ? Quels outils, quelles plateformes, quels incitatifs élaborer pour réussir l’arrimage ? Des compétences et des sensibilités réciproques doivent-elles être développées pour rassembler les conditions nécessaires à la création de livres numériques ?
Après le vif succès du colloque ÉCRiDiL à Nîmes en avril 2016 (dont les actes viennent de paraître aux Presses universitaires de France), une deuxième édition est organisée à Montréal en 2018. Arrimée étroitement aux avancées nord-américaines en matière de design et d’édition, elle assurera la continuité des échanges et une avancée importante de nos réflexions sur les possibilités actuelles du livre en contexte numérique. L’événement se construit sur une alternance entre des perspectives critiques (extérieures à la pratique créative et éditoriale) et des points de vue appliqués (témoignages d’acteurs des milieux de l’édition et des bibliothèques, comptes rendus d’expérimentations). Afin de susciter le dialogue et la collaboration, la formule de participation retenue repose sur trois modalités de présentation différentes :
- des interventions resserrées et dynamiques d’une quinzaine de minutes (les textes lus sont à éviter !);
- des interventions groupées, sous le mode d’un débat ou d’une réflexion commune à coconstruire;
- des présentations de projets ou de résultats d’expérimentations (sous forme d’affiches ou de démonstrations – objets, prototypes, projections numériques).
Ce choix délibéré d’activités visant à la participation, aux échanges et, nous le souhaitons, à la collaboration s’inscrit en cohérence avec l’esprit d’innovation que l’on associe au secteur du livre à l’ère numérique. Aux retransmissions en direct de l’événement (diffusion de certaines interventions, live-tweet, captation vidéo des installations) s’ajoutera une publication des interventions, sous forme d’un livre innovant dont le rendu fera l’objet d’un projet de design.
Modalités de soumission:
Vos propositions de communication, incluant un titre provisoire et un descriptif de quelques lignes, sont à transmettre par le formulaire en ligne de l’événement. Une notice biobibliographique brève (poste, affiliation, principales publications ou réalisations) devra être jointe à l’envoi. Indiquez clairement à quelle modalité de présentation correspond votre proposition.
Date de soumission : 12 juin 2017 (les réponses seront transmises au début juillet 2017).
Une contribution aux frais de déplacement (prioritairement ceux des étudiants) sera disponible sous réserve de financement.
Comité d’organisation
René Audet (CRILCQ, Université Laval)
Renée Bourassa (CRIalt, Université Laval)
Oriane Deseilligny (GRIPIC, Université de Paris-13)
Bertrand Gervais (FIGURA, CRC arts et littératures numériques)
Michael Sinatra (CRIHN, Université de Montréal)
Stéphane Vial(PROJEKT, Université de Nîmes)
Josée Vincent (GRÉLQ, Université de Sherbrooke)
Marcello Vitali-Rosati (CRC écritures numériques, Université de Montréal)