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Œuvres photolittéraires et couples créateurs

Appel de texte

Revue internationale de photolittérature
Sous la direction de Jean-Pierre Montier (Université Rennes 2) et Andrea Oberhuber (Université de Montréal)
(parution prévue au printemps 2021)

L’idée de «couple créateur», d’entité formée de deux personnes, est au centre de cette proposition de recherche. Parce que littérature et photographie constituent eux-mêmes un couple, ou un couplage (de projet artistique, de compétence, de texte/image, etc.), souvent suscité par un éditeur qui sollicite séparément l’écrivain et le photographe, dont parfois la collaboration va jusqu’à une réelle osmose. Comme l’exposition Couples modernes: 1900-1950, au Centre Pompidou-Metz, en 2018, le démontrait, la pratique du travail collaboratif semble être un marqueur de la modernité –depuis Paul et Victor Margueritte aux divers couples avant-gardistes, Sophie Taeuber et Jean Arp, Max Ernst et Leonora Carrington, entre autres–. Elle s’est largement répandue dans les milieux artistiques –pensons à Gilbert & George, Pierre & Gilles, McDermott & McGough, Eva & Adele–. Et dans le domaine littéraire, l’écriture à quatre mains –comme dans le cas de Deni Ellis Béchard et Natasha Kanapé Fontaine– semble être bien davantage qu’un phénomène de mode.

Or, comme l’observent en 2006 Michel Lafon et Benoît Peeters (Nous est un autre) pour le milieu des Lettres, «[u]n étrange tabou traverse l’histoire de la littérature: l’écriture en collaboration.[…] l’idée demeure qu’une œuvre digne de ce nom doit émaner d’une seule personne». Et de conclure: «Le génie ne se décline qu’au singulier».

Notre attention ne se porte pas tant sur les artistes ayant vécu en couple et ayant réalisé une œuvre chacun de son côté, que sur des œuvres ayant résulté d’une commune volonté de concevoir et accomplir, grâce à cette œuvre, une même singularité, une véritable unité. C’est en un sens ce que tenta de réaliser Elsa Triolet avec Louis Aragon –Écoutez-voirLa Mise en mots, et plus généralement leur projet d’Œuvres romanesques croisées grâce à un corpus d’images communes à l’un et à l’autre–. Dans ce projet des années 1960, l’on perçoit combien c’est l’image photographique –par sa capacité de symbiose autant que de distinction– qui joue un rôle clé.

Si le domaine du croisement de l’écrit et du photographique ont été pendant longtemps hors circuit académique, n’existe-t-il pas un corpus d’œuvres photolittéraires réalisées à quatre mains, ou, mieux, créées selon l’esthétique d’une même œuvre en partage, d’une identité auctoriale partagée, visant à constituer une entité artistique unique? D’Aveux non avenus (Claude Cahun et Moore, 1930) et Facile (Paul Éluard, Nush et Man Ray, 1935) ou You Have Seen Their Faces (Margaret Bourke-White et Erskine Caldwell, 1937) à Poussière (Lucien et Josiane Suel, 2008) et Ma belle ombre (Natalie Jean et Manon De Pauw, 2008) en passant par Secret des deux plumes (Helena Kolda et Iva Duka, 1956), Sur le champ (Annie Le Brun et Toyen, 1967) et Gens des nuages (J.-M.G. et Jema Le Clézio; photographies de Bruno Barbey, 1997), la liste rassemble actuellement une vingtaine d’ouvrages, prouvant que la question des couples créateurs faisant œuvre (photolittéraire) à deux mérite d’être posée.

L’un des objectifs du numéro thématique sera de compléter le corpus afin de proposer une vue d’ensemble plus vaste de ce que signifie la co-création en photolittérature, tout en proposant une réflexion sur les modalités de conjuguer diverses formes d’écriture (récit de voyage, récit autobiographique, journal, poésie) et esthétiques photographiques (photomontage, photocollage, photographies en N/B ou en couleur).

Un autre objectif pourra être de déterminer quelle plus-value acquiert le terme polysémique de «partage» lorsqu’il se marie aux notions de couple créateur et d’hybridité générique. Dans quelle mesure les compétences individuelles des partenaires impliqués dans un travail collaboratif sont-elles reconduites dans le cadre d’une œuvre hybride; écrivains et photographes peuvent-ils travailler, à l’occasion, à contremploi? Quels types de «transactions» photolittéraires ces rôles négociés supposent-ils?

Un troisième objectif pourra être d’explorer le rôle que joue éventuellement dans la création et ses divers processus une catégorie à présent largement négligée par la plupart des théoriciens contemporains, voire estimée «ringarde»: l’amour. Y compris sous la forme en apparence mineure, de l’amitié. Or, de l’Antiquité au Surréalisme, en passant par la Renaissance, l’amour a constamment représenté une entité non seulement psychologique mais de plein droit poétique, y compris grâce à la figure de la «Muse», entrant nécessairement en jeu dans l’acte créateur, envisagé comme un don, un partage, un dépassement de soi vers autrui, que cet autrui soit l’autre personne du couple ou le lecteur. Quelles qu’en soient les composantes sexuées, le couple «à la ville» nous paraît permettre une approche originale, et peut-être singulièrement pertinente, de l’œuvre produite «en collaboration» entre deux artistes. L’on pourra proposer divers couplages: le privé et le public, les différences de statuts sociaux implicites ou explicites, le contrat de partage des valeurs et des objets culturels, le sens du «mariage» entre les divers acteurs, entre photographie et texte, ses implicites et ses explicites, ses effets de tous ordres en termes de dynamique, de hiérarchie, de synthèse ou d’inventivité.

Les articles (max. 30 000 signes, espaces compris) accompagnés des annexes (voir protocole de rédaction) sont à envoyer à Jean-Pierre Montier (jean-pierre.montier@univrennes2.fr) et à Andrea Oberhuber (andrea.oberhuber@umontreal.caavant le 15 mars 2020.

Prière de suivre les consignes précises du protocole de rédaction.

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