Appel à communications pour le colloque international
Pactes de lecture, jeu de dupes ?
Quand le roman se fait imposture
Les 30 et 31 mai 2018
Université Lille 3 – Charles de Gaulle
Date limite : 30 septembre 2017
L’imposture et la mauvaise foi. Questions brûlantes pour la fiction, qui vit de « raconter des histoires » à un lecteur qui ne demande qu’à être trompé... jusqu’à un certain point du moins. Ainsi, dans le roman, s’épanouissent des récits mystificateurs, qui trament leurs supercheries afin de piéger un lecteur défié par le texte. Or cette bravade, l’imposture la réclame avec ardeur. Dès qu’un personnage s’y adonne, il est difficile de résister à l’envie d’en pousser plus loin la logique, d’en faire goûter les délices au lecteur en le transformant lui aussi en la victime d’une escroquerie. Le Bavard de Des Forêts, La Chute de Camus, La Méprise de Nabokov, Un cabinet d’amateur de Perec y ont succombé avec génie. Mais cette imposture, pour être tout à fait imposture, ne peut demeurer entièrement dissimulée. Son paradoxe est que pour triompher elle a besoin d’être cachée mais aussi montrée. Pour qu’elle ne soit pas gratuite, qu’elle ne reste pas lettre morte, qu’elle engage le monde et l’œuvre, qu’elle fasse travailler le texte, il est nécessaire que le lecteur la perçoive d’une manière ou d’une autre, sans quoi elle n’existe pas. C’est sur la frontière ténue entre jeu et tromperie que ce colloque mettra l’accent. Si le lecteur accepte de se plier à l’illusion romanesque, sur quels critères peut-il parfois s’estimer floué par le texte ?
Le premier serait évidemment celui de la confiance. Sur quoi repose-t-elle ? Peut-être sur un contrat tacite que l’œuvre établit, honore ou non (ce en quoi elle se fait déceptive), ou transgresse (ce par quoi elle nous abuse). Et pourtant, même quand le texte vous avoue mentir, il est encore possible d’être mystifié. C’est que, même si l’art est sous la dépendance de la vérité, celle-ci n’existe pas en tant que telle dans une fiction. Elle n’est jamais absolue mais relative. Elle s’appréhende en lien avec autre chose. À savoir : ce que le lecteur doit glaner hors du texte pour identifier la fraude, comme dans Les Onze de Pierre Michon ou L’Apprentissage du roman de Benjamin Jordane, mais aussi ce que le texte nous offre, sélectionne ou échafaude de lui-même. Tout ce tissu interne, le lecteur l’inspecte pour décider de la cohérence des faits et du positionnement de l’œuvre par rapport au vrai et au faux qui, lorsqu’ils sont privés d’appuis dans le réel, n’ont de sens qu’à l’intérieur de la fiction. Pour qu’il y ait imposture, le texte doit au préalable créer une vérité fictionnelle. Il existerait ainsi une technique romanesque du mensonge qui implique d’abord une soumission à la vérité, un accord avec certaines valeurs morales, mais tout de suite après une réserve, un soupçon, une désinvolture devant elles. Il s’agit, pour le récit trompeur, son personnage ou son narrateur, de nous en rappeler la présence en l’inquiétant. Là réside toute l’incertitude de valeurs qui ne sont qu’assertables ou énonçables par la fiction. L’œuvre usurpatrice engage ainsi non pas un simple congédiement des valeurs morales et de la vérité, ni même seulement leur mise en question inlassable, mais, au sein même d’une entreprise de dé-moralisation du roman, une véritable expérience morale qui est celle du mensonge assumé, tant par le texte que par le lecteur. In fine, ne serait-ce pas dans ce doute et cet effroi, et non dans tel ou tel détail entaché de soupçon, que réside la vérité de l’œuvre et de l’écrivain trompeurs ?
Les communications porteront donc non pas sur les cas d’apocryphes ou de canulars, impostures liées au statut du texte lui-même, et finalement extérieures à sa dynamique propre, mais sur les différentes formes d’imposture internes à l’écriture elle-même. L’accent pourra porter sur la manière dont celles-ci ont évolué à travers les époques, la façon dont le lecteur est à même de les percevoir et dont elles signifient, ainsi que sur leurs implications esthétiques et éthiques.
Une partie du colloque pourrait être consacrée à la création littéraire ; ainsi, des propositions issues d’une démarche de création seront également les bienvenues, à condition qu’elles investissent les formes de l’imposture et alimentent une réflexion sur la question.
Les propositions de communication (300-400 mots), accompagnées d’une brève notice biobibliographique précisant votre affiliation institutionnelle et vos plus récentes réalisations, devront être envoyées au plus tard le 30 septembre 2017 à berard.cassie@uqam.ca, maximedecout@yahoo.fr et caroline.julliot@univ-lemans.fr, avec, dans le titre du courriel, la mention suivante : « Jeu de dupes : proposition ».
Comité organisateur:
Cassie Bérard (Université du Québec à Montréal/Centre de recherche Figura)
Maxime Decout (Université Lille 3 – Charles de Gaulle)
Caroline Julliot (Université du Maine – Le Mans)