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Les occasions du livre. Pratiques, discours et imaginaires de la commande dans la littérature des XXe et XXIe siècles

Appel à communication

Colloque organisé par Adrien Chassain, Maud Lecacheur et Hélène Martinelli

ENS de Lyon, 7 et 8 juin 2019

En se consacrant aux usages et aux enjeux de la commande dans l’espace littéraire des XXe et XXIe siècles, ce colloque voudrait commencer d’explorer un sujet encore largement en friche. Certes, les pratiques de commande sont connues des spécialistes de la littérature d’Ancien Régime, où l’on sait l’importance que jouent mécénat et clientélisme dans la production lettrée (Viala, 1985; Jouhaud et Merlin_Kajman, 1993). De même, elles sont bien documentées dans le domaine de l’art, où elles connaissent aujourd’hui une acuité particulière, alors que se diagnostiquent un «tournant mécénal» (Quintane, 2017) et une «domestication de l’art» (Cauwet, 2017) qui rendent les artistes de plus en plus tributaires de grandes institutions commanditaires. Or, pour ce qui est de la littérature moderne et contemporaine, le recours à la commande est sans doute moins saillant que dans d’autres arts, mais il demeure massif. De fait, bien qu’elle ne soit plus mise en évidence et en valeur comme elle pouvait l’être dans les dédicaces mécéniques des siècles anciens, la commande est une pratique répandue et même courue: d’après l’enquête de Bernard Lahire, «ce sont tout de même deux tiers des écrivains qui ont déjà eu l’occasion d’écrire un texte de commande (66,1%) et parmi ceux qui n’ont jamais été sollicités, 62,5% aimeraient l’être» (Lahire, 2006). Ainsi inscrite dans l’ordinaire de la vie littéraire, la commande reçoit des fonctions et des valeurs multiples qui dépendent des lieux qu’elle investit et des acteurs qu’elle concerne: ressort de la «littérature industrielle» décriée par Sainte-Beuve, associée au pôle le plus professionnalisé de l’activité d’écrivain, la commande a également cours dans le champ de production restreinte, émanant de revues de création et d’institutions diverses – source, dès lors, de reconnaissance symbolique plutôt que manne financière (Lahire, 2006).

Au-delà de cette polarisation qu’il faudra certainement nuancer ou compliquer, le recours à la commande paraît gagner en importance à mesure que se développe ces dernières décennies le domaine des littératures «hors du livre» (Rosenthal et Ruffel, 2010 et 2018), dans une étroite proximité avec les pratiques de l’art contemporain: textes disséminés dans les revues ou les livres d’art, expositions, performances, installations, ateliers, écritures numériques, autant de territoires de la publication où la commande est littéralement monnaie courante. Comment comprendre, dès lors, que la commande soit fréquemment minorée, oblitérée ou maquillée par les commanditaires, par les écrivains, autant que par les critiques? Peut-être parce qu’une telle pratique contrevient à une représentation commune du régime de singularité (Heinich, 1998), qui fait du projet créateur et de la libre initiative les critères majeurs de l’auctorialité moderne? parce que les pratiques éditoriales actuelles sont moins ritualisées que sous l’Ancien Régime, et que les livres, aujourd’hui, disent moins facilement ou moins directement comment ils sont faits? Dans le souci d’appréhender la commande dans la diversité de ses figures, nous voudrions engager une réflexion collective sur les formes d’exposition ou d’occultation dont ces pratiques font l’objet, sur l’«imaginaire de la publication» (Ruffel, 2016) dont elles procèdent, sur la façon dont elles entrent en jeu dans la présentation de soi des auteurs, dans les conditions de genèse, d’adresse et de transmission des œuvres. Quelles sont les occasions du livre? Comment se partage, s’énonce et s’assume l’initiative au départ des œuvres? 

Loin de se limiter à des textes de circonstance, le corpus d’étude pourra ainsi être constitué de discours de commande, d’œuvres de commande ou de figurations de la commande dans et en dehors des œuvres. Il se prêtera aussi bien à des communications en histoire du livre et de l’édition qu’à l’étude de cas en littérature et dans les arts, sans se limiter aux œuvres francophones.

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Les propositions de communication (d’une page maximum) sont attendues au plus tard le 1er mars 7 avril 2019, elles sont à envoyer aux trois adresses suivantes: adrien.chassain@ens-lyon.fr, maud.lecacheur@ens-lyon.fr et helene.martinelli@ens-lyon.fr, accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique.

Consultez l'appel complet en pièce jointe.

Comité scientifique:
Laurent Demanze (Université de Grenoble)
Maryline Heck (Université de Tours)
Nathalie Heinich (CNRS)
Michel Jourde (ENS de Lyon)
Bernard Lahire (ENS de Lyon)
Fanny Lorent (Université de Liège)
David Martens (KU Leuven)
Denis Saint-Amand (Université Saint-Louis et Université de Namur)
Valérie Stiénon (Université Paris 13)
Cyril Vettorato (ENS de Lyon)

Participation / Organisation

Organisateur non-membre
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