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Vivre et raconter : les formes de vie dans le roman du XIXe siècle

Appel à communication

Cette journée d’étude se déroulera le 30 mars 2017 à l'université McGill et s’intéressera à l’une des ambitions du genre romanesque au XIXe siècle, qui est de « raconter une vie ». La réflexion se focalisera plus précisément sur la période allant de 1830 à 1880, pendant laquelle foisonnent les romans déroulant l’existence d’un personnage et faisant usage du « chronotope biographique » (A. Gefen) pour organiser leur matière. Si la particularité de ces romans « biographiques » est, en théorie, de faire coïncider un contenu (l’unité d’une vie) avec une forme (celle du récit), cette adéquation est souvent mise à mal par le désir de se rapprocher de l’existence « réelle » plutôt que de représenter des modèles édifiants ou idéaux. En fait, loin d’imposer une forme close à l’existence ou de la forcer dans des schémas éculés, comme le critiqueront les romanciers du siècle suivant, le roman « biographique » du XIXe siècle réfléchit, à même le texte, aux limites comme aux possibilités de sa propre entreprise, tout en interrogeant la valeur, ou l’utilité, des modèles biographiques déjà inventés par le genre romanesque. Il s’agira, lors de cette journée, de mieux situer historiquement nombre d’ouvrages paraissant aujourd’hui autour des « formes de vie » fournies par la littérature : comment le romanesque s’impose-t-il pour configurer l’existence au cours du XIXe siècle? et quels usages exactement sont faits du roman à ce moment?

Il sera ainsi possible de réfléchir aux divers effets de décalage ou de coïncidence entre les bornes du récit et celles d’une vie. On remarque, à cet effet, un travail d’adaptation ou de transformation, dans les romans, des modèles de dénouements dramatiques qui permettent traditionnellement de concevoir la vie comme une unité symbolique (un mariage ou la fin d’un apprentissage), alors que l’unité physiologique (la durée qui sépare la naissance de la mort du personnage) s’impose de plus en plus généralement. Il arrive également qu’au sein d’un même roman plusieurs personnages rivalisent entre eux et qu’une vie en apparence secondaire impose ses limites au récit de vie du personnage placé au premier plan. L’unité, ou l’homogénéité, d’une vie éclate d’ailleurs souvent devant la multiplicité des vies possibles de l’existence moderne, que le genre modélise en autant de manières de vivre dans un roman et que les personnages adoptent avec plus ou moins d’aisance. La question de l’unité d’une vie peut aussi être posée au-delà de l’œuvre individuelle : le retour des personnages chez Balzac, par exemple, permet à certaines existences de déborder du roman qui leur est consacré et auquel elles donnent leur nom. Les continuations — comme les relances du roman-feuilleton — fournissent aussi à certains personnages l’occasion de renaître, de recommencer une nouvelle vie, subvertissant ainsi l’adéquation entre œuvre et vie singulières.

Enfin, les romans biographiques contiennent des discours sur leur propre forme au sein de la narration, que ce soit par le biais du personnage lui-même, qui parfois offre une lecture « romanesque » de sa vie, ou par celui d’un narrateur prenant à partie le lecteur. On peut penser à Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir, qui se dit, au moment où il voit réalisée « l’ambition de toute sa vie » : « mon roman est fini, et à moi seul tout le mérite ». Comparant sa vie à un roman, ou à une certaine forme de mise en intrigue romanesque, Julien Sorel propose une lecture dépassée, voire contredite, par l’œuvre qui la met en scène.

L’objectif de cette journée est ainsi de faire surgir le caractère dynamique d’un corpus souvent assimilé à un modèle romanesque « traditionnel », en montrant comment la vie « véritable », ici, ne s’oppose jamais tout à fait à la vie « romanesque », mais se présente plutôt comme un horizon toujours déjà médié par le roman. Les contributions pourront porter, entre autres, sur les sujets suivants :
- les interactions génériques entre le roman et les Mémoires, les « vies », la biographie, etc.
- les formes de vie propres au roman : l’idée de destin, les possibles, etc.
- structures narratives et récit de vie, « chronotope biographique », débuts et fins du roman
- formes cycliques, roman-feuilleton, etc. : le récit de vie au-delà de l’oeuvre individuelle
- personnages lecteurs de romans : le bovarysme et les formes de vie
- usages réels du roman au XIXe siècle : témoignages, lettres de lecteurs, etc.

Nous vous prions de faire parvenir vos propositions de communication (maximum 300 mots) avant le 15 octobre 2016, à Véronique Samson : veronique.samson@mail.mcgill.ca