Adoptant une posture transdisciplinaire, ce projet vise à analyser l'évolution de la représentation de la sexualité des femmes dans les objets culturels, ainsi que la transformation des rôles féminins dans les scripts sexuels -tant hétérosexuels que ceux issus de la diversité sexuelle- en ce début du 21e siècle. Il s'agit en premier lieu d'établir un portrait nuancé et soutenu par des données empiriques afin de dresser les contours d'un paradigme émergent dans la représentation de la sexualité des femmes, puis de recenser et d'examiner les scripts sexuels novateurs ou subversifs afin de mettre en lumière le travail de déconstruction des discours dominants sur les sexualités des femmes véhiculé par ces productions. Les analyses seront centrées notamment sur l'objectivation et l'agentivité sexuelle, les scripts de rencontre des partenaires, le consentement, la satisfaction érotique et la mise en scène du désir et de l'orgasme. Le corpus sera principalement composé d'oeuvres (romans/récits; téléséries; pornographies féministes, lesbiennes et queer) qui abordent de manière explicite et substantielle la sexualité des femmes.
Pour plusieurs auteur.e.s, on assiste depuis les années 1990, à une pornographisation de la culture aussi appelée pornoculture (Attimonelli, 2017; Attwood, 2007, 2009; McNair, 2002), c'est à-dire à une sexualisation de l'espace public, sexualisation qui emprunte les codes issus de la pornographie (traditionnelle). Les critiques liées à la pornographisation de la culture réfèrent à l'objectivation, l'instrumentalisation et la sursexualisation des femmes: pour beaucoup de féministes cette culture constitue un frein à l'atteinte de l'égalité des sexes (Dines, 2010; Gill, 2012; Levy, 2005). Néanmoins, les femmes ont formulé une réponse à cette pornographie, en créant et produisant de nouvelles images et de nouveaux récits. Cette intensification de la représentation de la sexualité des femmes par elles-mêmes s'observe dans plusieurs médias: littérature, pornographie et séries télévisées. Les études sur ces corpus, comme nos propres recherches antérieures, montrent que ces œuvres, bien qu'elles n'épargnent pas totalement l'objectivation et la sexualisation des femmes, participent également à l'épanouissement personnel, à la complexification de la subjectivité et aux développements de l'agentivité sexuelle des femmes. Ce discours plus nuancé, voire émancipatoire, pourrait bien être refondateur de la sexualité. Aussi doit-il être analysé et diffusé, particulièrement dans le contexte actuel de (re)politisation des enjeux liés à la sexualité, telle qu'elle transparait dans la vague de dénonciations des violences sexuelles du mouvement #moiaussi, dans la mise en exergue par de nombreuses féministes de l'omniprésence de la culture du viol dans les objets culturels et dans la préoccupation grandissante pour la question du consentement sexuel. Cette vague de dénonciations qui met en lumière les structures d'oppression pesant sur la sexualité des femmes (notamment le sexisme, l'hétérosexisme et le racisme) doit s'accompagner d'un travail réflexif afin d'identifier des scripts sexuels novateurs ou subversifs (contre-scripts) où les femmes sont représentées comme désirantes, agentives et émancipées sexuellement, et où elles sont reconnues comme telles. Il est capital de recenser ces nouveaux scénarios pour comprendre les conditions de possibilité du vécu sexuel des femmes et pour générer des connaissances sur les discours sexuels positifs sur la sexualité des femmes. C'est dans cette perspective que le projet de recherche vise à documenter l'émergence de nouveaux scripts sexuels, lesquels apparaissent souvent d'abord dans des objets culturels pour ensuite migrer vers le social.