« Exaltation veut dire : débordement hors de la fermeture, bond dans l’infini du haut ».
-Roland Barthes, 2007 [1974]
L’exaltation et le débordement rompent avec l’idéal d’un monde mesuré et stoïque. Faire leur expérience, c’est donner toute la place au corps, aux sens et aux émotions. C’est aussi transgresser une série de normes et de limites : ce qui se soulève ou refuse d’être contenu menace nécessairement l’ordre établi. En ce sens, il y a également débordement de la pensée, car il s’agit d’une critique des limites imposées à notre manière de voir le monde.
L’exaltation et le débordement inscrivent dans et sur le corps frénésie, jouissance ou encore colère. De la crise d’hystérie au mysticisme, une série de symptômes (des larmes, des gémissements, des cris) bouleverse l’image d’un corps qui devrait rester docile, voire effacé (Marzano, 2002). La passion amoureuse, proche du délire, est aussi placée sous le signe d’une effervescence parfois heureuse, parfois meurtrière. D’un point de vue culturel et anthropologique, plusieurs discours ont tenté de répondre par le débordement à une vision unique du monde, à une culture dominante élevée en tant que norme mondiale. Il suffit de penser à la poétique du divers qui redéfinit l’exotisme (Segalen, 1908), à l’hybridité qui propose une refonte des identités devenues désuètes (Bhabha, 1994; Miano, 2012) ou à la créolisation (Glissant, 1990; Chamoiseau, 1989). Ces discours de la multiplicité se sont efforcés de faire voler en éclats les catégories identitaires, individuelles ou collectives. De la même façon, bien que la science se présente comme un discours rationnel et objectif, le débordement et l’exaltation jouent un rôle essentiel dans ses avancées. La volonté de création et de maîtrise de nouveaux savoir-faire, si elle s’avère grisante, sublime, peut mener à la monstruosité et à la destruction (Lecourt, 1996; Hadot, 2004). Du voyage vers l’inconnu à la conquête de l’univers, le discours scientifique, tel qu’il s’énonce dans les arts et la littérature, véhicule nombre d’hyperboles et de figures excessives, dont celles de Prométhée et du savant fou.
L’objectif de ce colloque est de proposer des interprétations originales du « hors limite » (Tirel, 2003) dans la littérature, sans égard à la période, la provenance géographique ou la langue originale des œuvres étudiées. Comment la littérature représente-t-elle ces deux expériences? Quels liens tissent-elle avec des notions concomitantes : la démesure, l’excès, l’obscène, etc.? Quelles figures stylistiques sont convoquées, quels enjeux éthiques sont soulevés? Il ne s’agira pas tant d’observer le franchissement d’une frontière, avec ses hésitations et ses passages incertains, mais plutôt de se pencher sur ce qui a déjà été traversé et devient fondateur de notre rapport au monde.
Sans constituer une liste exhaustive, les sujets suivants pourraient être abordés :
- Représentations des émotions ou des affects;
- Figures stylistiques et discursives du débordement (hyperboles, anaphores, gradation);
- Dépassement des normes sociales et textuelles;
- Imaginaire scientifique;
- Imaginaire politique et violence;
- Imaginaires du corps et de la maladie;
- Discours amoureux.
Les propositions (titre et résumé de 300 mots), accompagnées d’une notice biobibliographique, sont attendues au plus tard le dimanche 1er mai 2016 et doivent être transmises à Ariane Gibeau à: gibeau.ariane@courrier.uqam.ca .
Ce colloque se tiendra le 23 septembre 2016 !
Comité d’organisation
Ariane Gibeau (UQAM)
Maude Lafleur (UQAM)
Myriam Marcil-Bergeron (UQAM)