Ce projet vise à la découverte, à la réhabilitation et à la reconnaissance des romancières françaises de la première moitié du XXe siècle. Son principal objectif est de produire une histoire du roman des femmes en France entre 1900 et 1945. Ce programme relève d’une poétique de l’histoire littéraire, où le panorama global que l’on peut dresser de la production littéraire de l’époque (les principales orientations thématiques, la convergence ou l’appartenance à des mouvements littéraires, les démarches singulières, les relations intertextuelles et intratextuelles) s’accompagne d’enjeux narratifs et discursifs portant sur l’écriture.
L’absence remarquée et remarquable des femmes de l’histoire littéraire remet en question l’hégémonie masculine sur laquelle s’est construite l’histoire littéraire. Aujourd’hui, cette construction nous paraît aller de soi, du moins dans sa structure générale. Pourtant, la réhabilitation de bon nombre d’écrivains méconnus depuis une vingtaine d’années finit par affecter notre compréhension de l’histoire littéraire et, partant, son écriture. En ce sens, notre projet découle d’une logique institutionnelle qui prend acte de nouvelles avenues de recherche en histoire littéraire favorisées par la redécouverte d’œuvres oubliées. Il participe donc à la fois du renouvellement de l’histoire littéraire et de l’intérêt marqué et grandissant pour les écrivains méconnus et la littérature de la marge.
La périodisation que nous avons retenue est 1900-1945. La première date fait déjà l’objet d’un très large consensus parmi les historiens. Elle coïncide en outre avec l’émergence des femmes dans la vie littéraire et d’une tendance qui leur est enfin favorable. Quant à la date de clôture, elle correspond à la fin de la Drôle de Guerre. Après 1945, avec le triomphe de l’existentialisme et l’avènement prochain du Nouveau Roman, les pratiques romanesques évoluent et se transforment rapidement. Simone de Beauvoir et Marguerite Duras publient un premier roman en 1943 (respectivement L’invitée et Les impudents), Nathalie Sarraute en 1948 (Portrait d’un inconnu), inaugurant une nouvelle pratique d’écriture qui s’impose dans les années 1950-1960.
Trois étapes ponctuent notre travail de recherche:
La première étape consistera à faire l’inventaire du corpus. La connaissance importante que nous avons déjà du corpus nous a permis de problématiser notre projet et d’en concevoir l’intérêt, mais il nous reste à établir l’ensemble du corpus féminin.
À la suite de ce travail préliminaire, nous pourrons commencer la lecture du corpus. Pour ce faire, une équipe d’assistants aura pour tâche de lire plusieurs romans chaque semaine suivant une grille de lecture ciblée. Dans cet élan, une banque de données sera constituée afin de recueillir et de compiler les informations accumulées au fil des lectures des romans oubliés; nous allons aussi coordonner l’organisation de colloques et d’autres activités.
La dernière étape sera consacrée à la rédaction de l’histoire du roman des femmes en France de 1900 à 1945 par les deux chercheurs principaux.
Il n’existe aucune histoire du roman des femmes de 1900 à 1945. On peut s’en étonner à première vue, mais ce manque ne fait que souligner l’originalité et l’importance de notre projet. Novateur, il permettra de dévoiler un pan essentiel mais encore obscur de la production littéraire de cette période phare dans l’histoire du roman. Nous faisons d’emblée le pari qu’après cette histoire, notre compréhension du roman de l’époque ne sera plus tout à fait la même.