Ce projet de recherche interdisciplinaire vise à développer une reconnaissance littéraire et sémiotique de l’autre-qu’humain au Québec. L’appellation «autre-qu’humain» réfère aux entités animées et sympoïétiques, comme: une larve de phrygane habitant son fourreau aquatique, un réseau mycorhizien se tissant dans le sol d’une érablière, les caribous des bois en voie d’extinction, voire un fleuve creusant son lit. Le recours à l’écocritique se justifie en ce qu’il s’agit d’une approche focalisée sur l’expression linguistique des relations qui foisonnent dans l’autre-qu’humain, telles qu’elles sont explorées dans des corpus théoriques, littéraires, et dans le discours social étendu. Le recours à la biosémiotique s’explique, quant à lui, par le fait que cette approche permet d’envisager sérieusement la pleine diversité des capacités communicatives et interprétatives des organismes vivants. L’association de ces deux approches, et leur transposition au contexte naturel et culturel du Québec, s’impose naturellement dans ce projet: c’est à partir d’elles que j’interrogerai l’agentivité relationnelle des autres-qu’humains, et la façon par laquelle nous envisageons (imaginons, représentons, concevons, ressentons) les possibilités de coopération avec ces autres. Concrètement, cela implique de conjuguer une pluralité de discours, d’expressions, et d’habitudes incluant, par exemple, des romans ou des lois, des comportements et des expériences vécues d’un organisme, la situation d’une espèce menacée, etc. Ce projet s’inscrit dans un contexte actuel plus large, à savoir l’engouement autour des enjeux environnementaux alimenté par une réflexion sur les activités humaines, et l’empathie grandissante à l’endroit de l’autre-qu’humain.
Le projet s’établit en fonction d’une vision pragmatique de la recherche. Celle-ci touche autant le choix de l'objet (l’autre-qu’humain et notre rapport à celui-ci) que le déploiement des activités prévues durant la période subventionnée, des activités propices au développement des aptitudes de recherche des auxiliaires que j’embaucherai. Afin de coordonner et d’informer ce projet, je mettrai sur pied un groupe de recherche dont la formule de travail sera ancrée dans des principes de la recherche-action, encore inhabituelle en arts et lettres. Notamment, les membres du groupe travailleront ensemble à la rédaction de textes multi-auteurs et à la création d’une micro-revue auto-éditée consacrée à l’intersection des études littéraires, de la sémiotique et du vivant. En outre, je propose d’intégrer un volet de mobilisation des connaissances à même le projet de recherche. Ici, la mobilisation est à prendre dans son sens le plus strict: non pas diffusion ou vulgarisation, mais bien co-construction du savoir, spécifiquement avec des enfants du niveau primaire. J’entends ainsi poursuivre une série d’ateliers, actuellement à l’essai, sur l’écocritique et la biosémiotique. La croissance fulgurante de la dette écologique et de l’iniquité intergénérationnelle justifie mon choix de mobiliser des connaissances avec des enfants: il s’agit d’une population vulnérable qui devra apprendre à composer avec une planète endommagée et qui gagne à explorer une diversité de configurations relationnelles entre humains et autres-qu’humains. En plus de ces activités de recherche, je me consacrerai à la rédaction d’un essai théorique composé de vignettes où j’exposerai les réseaux de signification qui se tissent entre des entités autres-qu’humaines au Québec.