Automne 2018
Département d'études littéraires - UQAM
Ce séminaire propose de réfléchir à nos manières de lire, à la fois en études littéraires et dans notre quotidien. Il portera plus précisément sur les théories contemporaines de la lecture qui interrogent la portée éthique et politique des arts de l’interprétation et qui mettent en lumière l’inventivité existentielle des pratiques herméneutiques que nous mettons à profit au contact des textes littéraires.
Au-delà des esthétiques et des phénoménologies de la réception, qui ont longtemps dominé les recherches sur la lecture, plusieurs entreprises théoriques contemporaines nous invitent à associer les pratiques de lecture à des manières d’être, à des pratiques de soi et à des opérateurs de communauté. À la question ontologique: qu’est-ce que la littérature?, ressassée depuis le romantisme, se substituent des questionnements centrés sur l’expérience vive de la lecture, sur les conditions anthropologiques de notre activité de compréhension et d’interprétation, sur les effets concrets des textes littéraires dans nos vies. Quels sont nos usages des textes littéraires? Que faisons-nous quand nous lisons? Sous quelles formes la littérature d’hier et d’aujourd’hui s’inscrit-elle dans le quotidien de nos existences? Qu’est-ce que les arts de l’interprétation peuvent nous apprendre sur l’ordinaire des jours, sur notre capacité à tisser des liens avec les autres, à faire des mondes, à instituer ou imaginer des formes de vie?
Des travaux aussi différents que ceux de Pierre Bayard (Enquête sur Hamlet. Le dialogue de sourds, 2002), Yves Citton (Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi des études littéraires?, 2007), Marielle Macé (Façons de lire, manières d’être, 2011), Hélène Merlin-Kajman (Lire dans la gueule du loup. Essai sur une zone à défendre, la littérature, 2015) et Florent Coste (Explore. Investigations littéraires, 2017) décrivent les pratiques de lecture comme des lieux d’expérimentation au service d’une émancipation individuelle et collective, toujours ancrés dans une expérience de soi et des autres, qui contribuent à redéfinir les rapports du sujet et de la communauté. D’où les interrogations fondamentales qui balisent ces enquêtes d’inspiration pragmatiste : que faire de la littérature, avec la littérature? à quelle condition la fréquentation des œuvres nous est-t-elle profitable? Quelles sont les finalités éthiques et politiques des gestes critiques qui définissent nos différentes manières de lire et que nous réinvestissons dans les études littéraires?
Dans une perspective critique, nous tenterons d’expliciter les présupposés idéologiques et les implications épistémologiques de ces discours théoriques sur la lecture et l’interprétation. Il s’agira aussi et surtout de réfléchir collectivement à nos propres gestes critiques, à nos manières de lire et d’interpréter, au sens et à la valeur que nous leur prêtons individuellement et collectivement.