Hiver 2017
Département d'Histoire de l'art - UQAM
Événement de peu d’importance, sans portée générale ou appartenant à la vie quotidienne, le fait divers, s’il appartient au registre de l’activité journalistique, demeure un inclassable de l’information. Les annales de l’histoire conservent peu de traces des faits divers, ceux-ci ne possédant ni le prestige ni la portée de l’événement historique. Le fait divers constitue pourtant le sel de l’activité médiatique, depuis les « canards » du XIXe, ces feuilles volantes relatant crimes et catastrophes, jusqu’aux actuels tabloïds illustrés, clips télévisuels et autres vitrines macroscopiques des plus sordides affaires. Puissant catalyseur d'affects (compassion, plaisir, curiosité, identification), il est, du fait de sa valeur fantasmatique, un objet privilégié de la littérature, de la dramaturgie et de l'art contemporain.
Le présent séminaire de maîtrise entend interroger ce pouvoir de fictionnalisation du fait divers, moins en prenant appui sur des corpus d'obédience journalistique ou archivistique que sur des créations artistiques contemporaines usant de celui-ci. Les travaux en question sont ceux d'artistes (Bruno Serralongue, Pierre Huyghe, Angela Strassheim, Christian Patterson, etc.) pour lesquels le fait divers présente une valeur opératoire au regard des thèmes suivants : la valeur tutélaire du témoignage oculaire (Dulong, Feldman), l’indicialité et l’enquête (Xanthos, Ginzburg, Thouard), le réel fictionné (Rancière), la criminalistique (Reiss, Bertillon), l’événement mineur (Dosse, Arquembourg-Moreau). L'émergence récente de ces pratiques artistiques, corollaires d'une production littéraire réintroduisant le thème du fait divers (Carrère, Mauvignier, Jauffret, Danis), invite à analyser le statut de l'événement mineur dans l'art contemporain, essentiellement la photographie et la vidéo. En situant tout d’abord le fait divers dans une perspective littéraire et historiographique, ce séminaire engagera une réflexion sur les modalités de transposition de cette catégorie protéiforme de récit dans la création artistique contemporaine.
Objectifs :
La réflexion proposée par ce séminaire se décline sur plusieurs axes qui permettent d’offrir une vue générale (théorique) sur les questions suivantes :
• Fictionnalisation de l’événement dit mineur
• Actualisation des théories de l’indicialité
• Transposition artistique de protocoles d’enquête : reconstitution, inventaire, collecte
• Temporalités des représentations événementielles
• Éthique du témoignage et des discours probatoires
• Sensationnalisme et régimes des affects en art contemporain
• Remise en cause ou réhabilitation de l'authenticité?
La perspective transdisciplinaire que nous empruntons n’a donc pas pour but d’élaborer un modèle de compréhension unique de ces phénomènes mais cherchera plutôt à désigner les modalités spécifiques de référence au fait divers dans une variété domaines (art contemporain, criminalistique, culture populaire) à partir des concepts opératoires à chacun d’eux.