Hiver 2019
Département d'études littéraires - UQAM
La littérature contemporaine est un territoire occupé (et préoccupé) par le corps. Comme le souligne Colette Sarrey-Strack (2002), on assiste en effet depuis quelques années «au "règne du corps" dans le domaine de la littérature» (Bouloumié, 2007: 185). Du côté des dramaturgies actuelles, le corps, longtemps support du logos et instrument du drame, s’émancipe. Oscillant entre monstration, morcellement et spectralisation, il entretient désormais des relations complexes avec les poétiques d’énonciation qui le disent. Tendu vers la scène, habité par des discours pluriels et souvent contradictoires, il se fait aujourd’hui le «site d’une radicale déstabilisation du sens» (Poulain, 2011: 12). Tout comme le corps vivant, le corps inscrit dans les dramaturgies contemporaines et dans les systèmes discursifs qui cherchent à le circonscrire «est une construction symbolique, non une réalité en soi. D’où la myriade de représentations qui cherchent à lui donner un sens et leur caractère hétéroclite, insolite, contradictoire» (Le Breton, 1990: 13-14). Cette pluralité invite à une saisie composite des imaginaires du corps, lesquels deviennent lisibles à l’intersection de différents discours théoriques.
Dans le cadre de ce séminaire, nous nous pencherons sur quelques-uns de ces discours qui permettent de penser le corps aujourd’hui. À travers un corpus théorique commun, seront notamment abordés les champs de la philosophie (Marzano, 2002; Nancy, 2004; Shusterman, 2007), de la phénoménologie (Merleau-Ponty, 2011), de l’anthropologie (Le Breton, 1990; 2003), de la psychanalyse (Anzieu, 1985), et des études sur le genre (Butler, 2012). Comme on le remarquera, ces discours sont le plus souvent eux-mêmes interdisciplinaires. Aussi, une attention particulière sera portée à certaines notions migratrices (corporéité, esthésie, irrésolution ontologique entre l’être et l’avoir du corps). À travers des lectures théoriques spécifiques, nouées à l’analyse de quelques pièces issues du répertoire québécois et étranger, nous observerons comment ces différents discours sont convoqués pour réfléchir au corps, à ses représentations et à ses différentes poétiques énonciatives.