Hiver 2019
Département d'études littéraires - UQAM
Ce séminaire intéressé par les théories de la création littéraire propose d’étudier les conséquences que peut entraîner sur la création une réflexion sur la notion de «monde(s)». Si celle-ci constitue, d’une part, le domaine de référence sur lequel s’appuient les productions littéraires, elle désigne d’autre part les diverses extensions ou les variations possibles que ces mêmes productions nous permettent de penser. En ce sens, la notion de «monde(s)» va souvent de pair avec la volonté de soutenir une conception pluraliste, plutôt qu’unitaire, des modes d’existence et des critères de signification.
Mais les manières d’envisager cette multiplicité des mondes sont elles-mêmes nombreuses et ne s’accordent pas toutes sur la nature du pluralisme et sur les conditions qui en assureraient la cohérence et la validité. On peut à ce titre évoquer les désaccords qui existent entre les théories des mondes possibles (S. Kripke, D. Lewis), qui ont, au cours des dernières années, attiré l’attention de certains théoriciens de la fiction (U. Eco, F. Lavocat, T. Pavel) et l’idée de «versions du monde» proposée par Nelson Goodman qui a joué un rôle marquant dans les théories esthétiques. Engageant des manières différentes de penser le statut de la fiction, du réel et de leur rapport, ces réflexions sur la notion de «monde(s)», qui mettent par ailleurs au jour certains malentendus quant à d’autres concepts qui partagent le même environnement — l’«existence», les «faits», la «référence» l’«imaginaire», la «vérité», les «frontières», les «limites», l’«expérience», le «doute», la «certitude» — serviront de point de départ à une investigation qui visera à repenser la logique du possible à l’aune des théories et pratiques littéraires.
Dans un contexte où l’exigence de vérité est si impérative que l’on en vient à tout vouloir vérifier et à douter de tout, et où le virtuel, le contrefactuel, et les vérités alternatives peuvent servir à légitimer le relativisme et l’équivalence de tous les points de vue, ce séminaire n’a pas pour but d’évaluer, à partir d’une frontière établie a priori entre le réel et la fiction, la part éthique du danger qu’il y a à introduire dans l’écriture de fiction des faits réels. Il s’agira plutôt de prendre acte de l’indétermination de la notion de «monde(s)» et de celles qui lui sont relatives, et de montrer comment une réflexion à ce sujet est étroitement liée à la manière dont on conçoit la création littéraire et plus largement le statut de la littérature.