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Avec l'autre qu'humain. Penser, agir et écrire les coprésences

Author : Elaine Després
Date : Sep 13, 2022
Category :
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Activité du Centre
Journée d'étude

 

Journées d’études et d’ateliers interdisciplinaires en littérature et en arts vivants

« [I]l n’y a aucune manière d’habiter qui ne soit d’abord et avant tout "cohabiter" » écrit Vinciane Despret dans son ouvrage Habiter en oiseau (2019 : 41). Dans celui-ci, la philosophe s’attache à (re)penser nos poétiques et politiques attentionnelles, qu’elle relie au geste d’accorder de l’importance aux diverses présences avec lesquelles nous cohabitons, des présences – comme celle d’un merle qui chante – souvent reléguées à l’imperceptible, à l’indéchiffrable ou à ce que nous ne remarquons pas. Elle écrit : « Accorder prend ici en charge le double sens de "donner son attention à" et de reconnaître la manière dont d’autres êtres sont porteurs d’attentions. C’est une autre façon de déclarer des importances » (15). Cette politique de l’attention se déplie dans la reconnaissance de notre entretissage constitutif avec l’autre-qu’humain – matérialités animales, végétales, minérales, élémentaires, vivantes ou non, elles-mêmes traversées de pluralités et porteuses de potentialités d’agencement déclinées en une « myriade de configurations infinies » (Haraway, 2016 : 1).

Dans nos pratiques littéraires et artistiques, « [c]omment peut-on exprimer [cet] enchevêtrement insaisissable qui nous unit aux divers agents, familiers ou non, qui nous entourent? Comment composer notre attention avec, et à travers, l’agentivité de la matière? » demande Jeroen Peeters (2020 : 2). Pour l’écrivain et performeur, une partie de la réponse à ces questions réside dans la tension vers un « devenir-avec ». Il prend pour cela appui sur les travaux de Donna Haraway qui écrit, dans Staying with the Trouble : « Nous avons besoin les uns des autres dans des collaborations et des combinaisons inattendues, dans des tas de compost chaud. Nous devenons-avec les uns les autres ou ne devenons pas du tout » (Haraway, 2016 : 4). Ce « devenir-avec », qui recouvre aussi un « faire-avec »  – que Haraway désigne sous le terme de sympoïèse – serait l’une des voies permettant l’établissement de nouvelles formes de relations à l’autre. Des relations fugaces, changeantes ou précaires mais souvent décentrées et, surtout, non instrumentalisantes. Cette posture endossée par Peeters trouve écho chez Lisa Wyonarski (2021), artiste-chercheuse en arts vivants, pour qui mettre en scène, chorégraphier, jouer, danser, écrire (ou s’écrire) avec l’autre relèvent d’un acte politique où il s’agit de « reconfigurer les relations entre humains et plus-qu’humains à l’écart des hiérarchies verticales » (102). Ce déplacement – diversement mobilisé, aujourd’hui, par des pratiques scripturaires et performatives – nous invite à investir de nouvelles zones de porosité avec les entités avec lesquelles nous cohabitons et à inventer, depuis cet espace commun, des « alliages incandescents » (Morizot, 2019) et pluriels.

Objectifs

Ces journées d’études visent à réfléchir aux modalités de création, d’analyse et de réception de la coprésence avec l’autre-qu’humain en littérature et en arts vivants. Les cohabitations effectives – la scène partagée avec d’autres matérialités – et imaginées – le texte comme espace de connectivités inventées ou resémiotisées – seront prises en compte. Les dimensions pragmatique (scène) et symbolique (texte) seront donc convoquées et mises en dialogue, dans la reconnaissance de leur ontologie distinctive mais aussi à travers la mise en lumière de leur perméabilité l’une à l’autre.

Les questions abordées pourront toucher aux aspects théoriques, pratiques, méthodologiques, esthétiques, éthiques ou politiques liées à l’imaginaire de la cohabitation et se rattacheront à l’un des trois axes suivants : « Penser », « Agir », « Écrire ».

L’activité, qui réunira dans une structure déhiérarchisée des écrivain·es, des artistes, des chercheur·es et des étudiant·es de 2e et 3e cycles, accueillera à la fois des démarches de recherche et de recherche-création. Il ne s'agira pas, pour les participant·es, de présenter des réflexions mûries mais des esquisses, des pistes, des idées en marche, encore fragiles et mouvantes, et de former une éphémère mais féconde communauté d’exploration.

AXES

Penser

Les imaginaires, formes et dispositifs de coprésence en arts vivants et en littérature peuvent se déployer et être saisis depuis divers champs épistémologiques, qu’ils soient liés à la recherche ou à la recherche-création. Ces espaces de savoir sont poreux et souvent traversés par plusieurs approches théoriques : écocritique, écopoétique, écosomatique(s), géopoétique, biosémiotique, pratiques et savoirs autochtones, écoféminisme(s), Queer Ecology, Nouveaux Matérialismes, philosophie environnementale, etc. Quels sont les maillages, les échos mais aussi les frictions possibles entre ces différentes perspectives? Comment ces cohabitations discursives agissent-elles sur nos postures et nos praxis d’analyse et de création? Quelles idées et notions phares se révèlent migratrices? fécondes? Pour réfléchir à ces questions, cet axe présentera un atelier avec les membres du groupe de travail interdisciplinaire « Arts vivants et écologie au Québec » (AVEQc). Cette activité sera suivie d’une conférence-discussion avec trois binômes composés de chercheur·es et d’artistes issu·es de champs différents (philosophie, littérature, arts vivants).    

Agir

Les arts vivants invitent à la coprésence, dans la rencontre ici et maintenant des artistes, des spectateur·rices et de leur environnement. Aussi, alors que les préoccupations socio-écologiques se multiplient au regard des injustices environnementales et de la crise climatique, les artistes en arts vivants, engagé·es dans un agir incarné et sensible, travaillent à déployer des expériences protéiformes qui décloisonnent les rapports entre l’humain·e, la nature et toutes formes de vie. Leurs approches de création offrent un déplacement des modes de percevoir et de vivre ensemble, d’autres relations à l’espace et à la temporalité ainsi qu’une déhiérarchisation des relations entre les humain·es et leurs milieux de vie. Cet axe de l’agir nous conduira sur le terrain de deux projets de création qui questionnent nos modalités de cohabitation avec d’autres formes d’expression du vivant. Un atelier pratique, inspiré des pratiques écosomatiques, sera également proposé afin d’expérimenter une écoute sensible des matières, des formes et des mouvements de vie qui nous entourent mais qui également nous habitent.  

Écrire

Façonnés depuis longtemps par une sensibilité environnementale, les arts et les lettres connaissent toutefois un véritable engouement pour des enjeux environnementaux avec la popularisation du terme anthropocène au tournant du millénaire. La mise en texte des relations entre l’humain et l’autre qu’humain, exprimée par l’écriture, la lecture, le commentaire, jette une lumière unique sur le sens que l’humain accorde à ces relations. La présentation de deux projets en cours sur le nature writing (« Réécrire la forêt boréale : pratiques collaboratives et spéculatives entre littéraires et écologistes »; « Habiter le marais intertidal »), l’exposé de son travail par l’écrivaine Virginie Blanchette-Doucet et un atelier d’écriture orienteront les activités de cet axe.

 

Les ateliers sont ouverts au public : il est possible de s’y engager activement ou simplement d’y assister sans participer.

 

JEUDI 29 septembre

8h30-9h : Accueil 

9h-9h05 : Mot de bienvenue par Johanna Bienaise (UQAM, GRIAV), Catherine Cyr (UQAM, Figura) et Jonathan Hope (UQAM, Figura)

9h05-10h15 : Atelier Tous du lichen, groupe « Arts vivants et écologie au Québec » (AVEQc) : Christine (cricri) Bellerose (Université de York), Claudia Bernal (UQAC), Mélanie Binette, Alain Joule (artistes), Johanna Bienaise (UQAM), Patrick Gauvin (UQAT), Pascale Goday (UQAM), Lara Kanso (Université Laval), Frédérique Laliberté (UQAM), Sylvie Lapierre (Université Laval), Jean-Paul Quéinnec (UQAC), Clémence Roy-Darisse (Université d’Ottawa), Sylvain Schryburt (Université d’Ottawa). Animation : Catherine Cyr (UQAM) 

10h15-10h30 : Pause

10h30-11h30 : Conférence-discussion en binômes : Roseline Lambert & Nayla Naoufal; Lucy Fandel & Dalie Giroux (Université d’Ottawa); Rachel Bouvet (UQAM) & Pierre Drapeau (UQAM). Animation : Jean-Paul Quéinnec (UQAC)

11h30-11h45 : Pause

11h45-12h30 : Lecture-performance d’un extrait de L’Amoure Looks Something Like You d’Éric Noël, suivie d’un entretien. Co-animation : Catherine Cyr et Pierre-Olivier Gaumond (UQAM)

12h30-14h : dîner 

14h-14h15 : Introduction écosomatique par Johanna Bienaise (UQAM)

14h15-15h15 : Présentation autour de Mystic-Informatic par Catherine Lavoie Marcus & Zoey Gauld 

15h15-15h30 : Pause

15h30-15h45 : Atelier écosomatique par Johanna Bienaise (UQAM)

15h45-16h30 : Présentation autour de sous mes paupières (vers les abeilles) par Camille Renarhd (UQAM)

16h45 : Pause

16h-45-17h : Veille de la journée : Erika Leblanc-Belval et Laure Ottmann (UQAM)

 

VENDREDI 30 septembre 

9h-10h : Présentation de projets : « Réécrire la forêt boréale » par Alexandre Côté-Perras et Pierre-Olivier Gaumond (UQAM); « L’oie blanche et la mère : transmission d’un mémoire en environnement » par David Paquette Bélanger (UQAM). Animation : Jonathan Hope (UQAM)

10h-10h15 : Pause

10h15-11h45 : Atelier d’écriture avec Virginie Blanchette-Doucet

11h45-12h : Clôture : Erika Leblanc-Belval et Laure Ottmann (UQAM)

12h-12h30 : Lancement du numéro « De la possibilité de nos cohabitations » (Cahier ReMix); cocktail au moût de pommes pétillant.

Participation / Organisation

Organisateur membre
Organisateur membre
Organisateur non-membre