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Depuis les « roaring sixties », ces nouvelles Années folles, ne cesse de se développer une culture populaire de masse qui se présente comme source à la fois de joie, de jouissance et de contestation. Parmi ses thématiques privilégiées se trouvent quelques invariants : le bonheur, la jeunesse, l'amour ou, plus précisément l’éros. C'est précisément ce qui explique la prégnance, depuis les « sexties », des registres, voisins mais point entièrement synonymes, du hot, du glamour, du sexy. Si le hot renvoie clairement à la figuration explicite de la sexualité et si le glamour associe le charme à un goût certain pour la mode, « le sexy d’un corps (qui n’est pas sa beauté), comme l’observait Barthes, tient à ce qu’il soit possible de marquer (de fantasmer) en lui la pratique amoureuse à laquelle on le soumet en pensée (j’ai l’idée de celle-ci précisément, et non de telle autre) »1. Dans la culture hypersexuelle de la postmodernité, où s'opère sans cesse une véritable « pornographisation du social »2, le sexy est partout et le culte de l’apparence, du look accompli ne cesse de s’intensifier. « Ce qui était vilipendé parce que porteur d'une image mauvais genre et vulgaire est devenu tendance [...]. Tel est le sexy, lequel se définit par un style aguicheur et décomplexé, une érotisation appuyée du corps délivrée des anciennes condamnations morales »3.
Conformément au projet des études culturelles qui n'établissent aucune hiérarchie entre les fictions qu'elles conçoivent toutes comme des textes idéologiques qui sont conjointement le produit et le reflet des conflits de la période qui les fabrique, on se penchera dans les journées d'études en ligne de cette année sur la « Sexy Pop », c'est-à-dire sur les mobiles et les enjeux extrêmement divers des liens qui unissent LES cultures pop (qui, toutes, « ser[vent] à faire éprouver à un peuple indéfini son propre pouvoir d'agrégation »4) et toutes les formes de mise en scène de cette catégorie incertaine et, symptomatiquement, très peu pensée, qu'est la sexiness. Théâtralisation de la séduction et scénographie du désir et du fantasme, celle-ci est aussi, comme l'ont montré les travaux entrepris par Sharon Lamb, Kaelin Farmer, Elena Kosterina, Susan Lambe Sariñana, Aleksandra Plocha et Renee Randazzo, affaire d'outrance, de confiance en soi, de désinvolture, d'insouciance, de goût pour le sexe. C'est aussi enfin une manière ambiguë de souffler le chaud et le froid, de susciter la jalousie en même temps que le désir, de maîtriser l'art de l'insinuation, d'induire l'autre en tentation, d'établir avec lui un jeu, subtil, sur les clichés de la séduction tels qu'ils sont fixés et réinterprétés par la pop culture. Nous nous pencherons donc sur tous ces usages du sexy – sexy qui demande à être soigneusement distingué du slutty certes, mais aussi situé par rapport aux notions de sex-appeal ou de sex-symbol ou même du personnage stéréotypé de la sex-bomb popularisé par la chanson de Tom Jones).
On pourra se pencher sur la manière dont les codes érotiques sont aujourd’hui repris dans la publicité, la mode, la téléréalité, les jeux vidéo et même les arts savants, ainsi que les limites non frontières entre sexiness et nouveau régime du « tout-pornographique » tel qu'étudié par Dominique Baqué qui s’attache, dans le post-humanisme qui est le nôtre, au lissé froid des corps pornographiques, à l’enfer esthétique des pratiques extrêmes, aux mutations sexuelles dont témoignent les arts plastiques, la photographie, le cinéma, mais aussi la littérature et la mode5 – notamment dans le cadre de l’alternaporn, cette contre-culture qui relie étroitement la pornographie à des mouvements alternatifs tels que le gothique, le punk, la cyberculture ou la fameuse DIY culture. Dans cette optique, on pourra se demander comment et pourquoi la « sexiness », à l'instar du porno auquel on ne saurait la réduire, se trouve prise dans le vaste mouvement postmoderne qui fait éclater les catégories génériques et, ipso facto, insiste sur la nécessité d’hybridation des tons et des registres : les images sexy finissent par s’immiscer dans des œuvres qui, elles, ne sont pas pleinement érotiques, et, partant, se trouvent décontextualisées et recontextualisées.
On pourra bien sûr s'attacher aussi bien à la littérature (pour expliquer, par exemple, la manière dont divers motifs du roman érotique ont influencé quantité d'autres genres depuis les années 1960) qu'à la peinture (comment, par exemple, le Pop Art a-t-il pu récupérer des stéréotypes de longtemps attachés à la culture érotique ?) ou à la nouvelle vague de la photographie érotique à la mode de Markus Amon, d’Alethea Austin, de Bruno Bisang, de Didier Carré, de Barney Cokeliss ou de Noritoshi Hirakawa, en passant par la vogue de sexualisation des pochettes de disque dans la seconde moitié du siècle dernier. On pourra pareillement étudier le rôle central qu'ont joué les fumetti per adulti dans l’émergence et la diffusion de l'érotisme postmoderne et considérer comment ces bandes dessinées de petit format ont révélé des grands noms comme Milo Manara, Alessandro Biffignandi, Leone Frollo, Averardo Ciriello ou Aslan et ont surtout popifié de nouveaux types de scénarios érotiques. Il s'agira aussi d'étudier des genres finalement pas assez explorés par les théoriciens et les critiques (comme les erotic thrillers, les émissions de téléréalité ou les Harlequin sexy) et discuter des grandes figures qui mériteraient d'être reconsidérées dans l'optique de la sexualisation de la pop (Madonna, Britney Spears, Miley Cyrus mais aussi les rockstars sexy d'Elvis à Lenny Kravitz et les sexy crooners de Dean Martin à Zayn Malik). Enfin, l'on pourra envisager le flirt avec les codes de la pornographie dans des fictions destinées au grand public (Euphoria) ou dans des spectacles de théâtre ou de danse qui, bien que savants, sont directement reliés à l'imaginaire pop (pensons par exemple à $Shot qui, monté au printemps 2000 par Jennifer Lacey et Nadia Lauro, mêle volontairement les codes films érotiques aux canons de l’art minimaliste).