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ARTHEMIS - 2012-2016

Advanced Research Team on History and Epistemology of Moving Image Study (ARTHEMIS) / Équipe de recherche sur l’histoire et l’épistémologie des études sur l'Image en mouvement
Type d'équipe: 
Équipe
État de l'équipe: 
Ancienne équipe
Date·s de la subvention: 
2012 - 2016
Période d'activité: 
2012 - 2016
Chercheur principal membre: 

D’« invention sans avenir » (Lumière), l’image en mouvement (IEM) est devenue le principal mode d’expression visuel du XXe siècle et la plus importante industrie de l’image dans l’histoire. Aujourd’hui, elle est partout : cinéma, TV, Internet, sur les écrans des téléphones cellulaires, des lecteurs MP3 et des lecteurs DVD portatifs, des ordinateurs. Ses usages et ses genres se multiplient sans cesse : fiction, documentaire, art, jeux vidéos, téléjournal, divertissement, vidéo-clips, imagerie médicale, surveillance, dessins animés, publicité. De plus, l’impression grandissante est que tous ces écrans se réfèrent maintenant mutuellement entre eux. C’est ce qu’a illustré de façon inattendue l’attaque contre le World Trade Center en 2001 : pour de nombreux téléspectateurs la scène captée en direct semblait sortir tout droit d’un film. Illustration aussi, dans ce cas, de l’importance du cinéma pour l’imaginaire contemporain, de ce qu’il accomplit dans nos vies et des formes de médiation qu’il opère. Devant ces faits, devant la présence accrue des caméras et des écrans, on ne saurait mettre en doute la nécessité d’une expertise portant sur l’IEM et sur ses usages afin d’articuler, fouiller et éclaircir les enjeux socioculturels qui y sont liés. Qu’il s’agisse tantôt de comprendre leur impact sur le comportement (les films, les jeux vidéos violents rendent-ils violent?), tantôt de comprendre comment nous les comprenons (comment se déploient les récits, les arguments, sur la matière audio-visuelle?), ou encore de comprendre comment elles se distinguent d’un enregistrement « transparent » d’une perception (quelles idéologies sont véhiculées par ces images? Faut-il distinguer entre violence de l’image et violence dans l’image?), le XXe siècle a élaboré de vastes réseaux discursifs et forgé des concepts qui rendent possible cette expertise. Or, au moment de rédiger ces lignes, les débats soulevés quant à l’impact possible des jeux vidéo violents (qui simulent à plus d’un titre le cinéma), suite à la tragédie du collège Dawson, s’offrent comme un triste rappel de l’importance croissante que prend aujourd’hui une telle expertise dans le domaine des IEM. C’est précisément cette expertise que nous cherchons ici à interroger en examinant ses conditions d’émergence, de croissance et de consolidation. Née en réponse à l’espace croissant occupé par le cinéma dans la sphère publique à partir du milieu des années 10, alors que le cinéma connaît d’importantes mutations liées à son institutionalisation, l’expertise sur l’IEM se développe aujourd’hui principalement dans les départements d’études cinématographiques (EC) ou encore de communication qu’on trouve dans les universités.
En Amérique du Nord et en Europe, ces disciplines sont en plein essor. Mais ces disciplines (ou « interdisciplines ») sont récentes et n’ont pas encore donné lieu à beaucoup d’examens historiques ou épistémologiques. Ce projet vise à combler cette lacune et à cerner l’institution et le foisonnement du champ (inter)disciplinaire que constituent aujourd’hui les EC sur les continents nord-américain et européen, soit dans les espaces francophones et anglophones, c’est-à-dire là où le cinéma est né, où la production des EC a été la plus importante, et où sont apparues le plus grand nombre et les plus importantes institutions vouées à l’enseignement des EC et à la dissémination de la culture filmique (cursus universitaires, Cinémathèques française (CF) et québécoise (CQ), British Film Institute (BFI) et National Film Theatre (NFT), ciné-clubs, « film societies », revues de cinéma, etc.). Nous nous penchons sur le domaine des EC car c’est historiquement le premier à avoir nécessité et à avoir élaboré une culture d’expertise eu égard aux IEM et aussi parce qu’il sert toujours de paradigme à tous les autres. C’est en effet le cinéma qui a élaboré les rudiments du langage de l’IEM et c’est à lui, et au champ d’expertise qui s’est développé autour, qu’on s’est référé pour penser initialement la télévision, comme c’est d’ailleurs à lui qu’on se réfère encore pour penser les nouveaux médias— dont l’étude s’intègre de plus en plus à celle du cinéma (Manovich, 2001; Hui Kyong Chun & Keenan, 2006; Rieser & Zapp, 2002). De surcroît, certains concepts, notions et méthodes d’analyse élaborées au sein des EC s’étendent maintenant à d’autres domaines comme l’anthropologie visuelle, les « visual culture studies », l’histoire de l’art, ou encore certains champs qui touchent l’altérité et la politique identitaire comme les « women’s studies », « queer » et « gay and lesbian studies ». L’objectif général de notre programme est de montrer comment la création de l’expertise en EC suppose un ensemble de conditions précises en fonction de quoi elle se développe, se transforme et se diversifie alors que prolifère la pénétration socioculturelle des IEM et que ses usages se diversifient. Cette recherche vise à synthétiser les divers facteurs de détermination, les différentes conditions de possibilité ayant participé à l’émergence d’une expertise et d’un discours savant sur le cinéma et d’une (inter)discipline universitaire reconnue (les EC) dans une optique à la fois historique et comparative (Amérique du Nord, Angleterre, France). Trois axes seront dégagés qui rendent compte des principaux facteurs, discours et pratiques qui concourent à l’émergence, au foisonnement et à la consolidation des EC comme entreprise du savoir. Ils recouvrent des recherches historiques et théoriques, et constituent autant de portes d’entrée pour accéder à notre objet de recherche, soit l’IEM telle qu’on la représente à travers le savoir et l’expertise développés à son sujet. Ces trois axes illustrent notre hypothèse quant aux principales conditions d’émergence et de croissance des EC. Nous croyons qu’il est possible, méthodologiquement, de mettre au jour ces conditions à partir de trois grandes catégories qui correspondent chacune à un axe de recherche dans la programmation : premier axe : les conditions « conceptuelles »; deuxième axe : les conditions « matérielles »; troisième axe : les conditions « institutionnelles ». Au terme de notre étude nous pensons pouvoir démontrer comment l’apparition du cinéma comme objet d’étude s’est construit et s’est diversifié en déclinant, au sein d’institutions différentes, des facteurs qui trouvent racine dans les 3 axes de la programmation.