Ce projet de recherche est né de la constatation d’une dissemblance, entre les poésies québécoise et française, dans le lien que chacune établi entre sens et sensible et corollairement, entre sacré et sensible. Il s’agira précisément de cerner, dans la poésie québécoise des années 1953-1970, la spécificité « américaine » de la subjectivité dans son rapport sensible au sacré. Pour ce faire, la lecture des œuvres poétiques s’appuiera sur une approche sociologique et anthropologique du sacré, développée notamment par Mircea Eliade, Georges Bataille et Roger Caillois, lesquels définissent le sacré essentiellement en fonction du profane, qui lui serait tout autant opposé que lié, et s’appliquent à comprendre cette dialectique telle qu’elle est vécue dans le monde moderne par l’être humain non religieux. En ce qui concerne l’américanité, nous nous appuierons particulièrement sur les travaux de Pierre Nepveu, de Jean Morency, de Jean-François Chassay et de Gérard Bouchard, lesquels proposent de saisir de l’intérieur l’expérience américaine (au sens continental), de penser l’Amérique en fonction de la subjectivité et de la culture. Le rapport particulier au réel ainsi que la redéfinition du moi qu’il peut entraîner sont les principaux termes de cette manière de vivre et d’occuper l’espace : un espace exempt du grandiose, au contraire vécu telle une épreuve intérieure. Ce projet s’appuiera sur cette caractéristique proprement américaine de la subjectivité de façon à mieux saisir cette différenciation entre les poésies québécoise et française sur le plan des rapports entre sensible et sacré.