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De la tératologie au clonage: le monstre scientifique dans la fiction

Projet de recherche

Période d'activité: 
2014 - 2019
Chercheur principal membre: 

Ce projet part d'un principe, dont on ne voit pas toujours les implications : les sciences font partie de la culture. Cela signifie que leurs enjeux débordent des murs des laboratoires pour irriguer l'ensemble du discours social, et qu'au-delà de leurs réalisations, elles ont des effets imaginaires qui nourrissent les fictions. Ces ponts entre science et fiction se trouvent au coeur de cette recherche. Dans la continuité de mes travaux des dernières années, le projet s'intéresse aux effets discursifs et fictionnels des sciences à travers une figure singulière, celle du monstre. Depuis les théories de la tératologie développées par Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1832-1836), jusqu'aux débats sur les mutations génétiques et les hypothèses sur le clonage aujourd'hui, le monstre est devenu un objet de réflexions scientifiques. Ce n'est sans doute pas un hasard si Geoffroy de Saint-Hilaire publie ses travaux presque au moment où Mary Shelley publie cet ouvrage fondamental pour l'imaginaire de l'éthique scientifique qu'est Frankenstein. Au moment où les sciences dites humaines commencent à se développer, l'humanité se prend pour objet d'études, comme le rappelait naguère Foucault dans Les Mots et les choses. En se posant la question « Que suis-je? » et non « Qui suis-je? », le monstre de Frankenstein pose la question de la différence du monstrueux dans la hiérarchie humaine, et par le fait même de la normalité. Comment la science conçoit le monstre, en le créant ou en l'analysant? Et comment la fiction rend-elle compte de ce que la science dit, mais aussi de tout ce qu'elle ne dit pas sur le monstre? Comment cette figure évolue-t-elle en fonction des transformations sociopolitiques et culturelles? Tel est, en quelques mots, les questions auxquelles ce projet voudrait s'attaquer.

Cette figure sera balisée par un certain nombre d'a priori qu'on pourrait résumer brièvement ainsi: le monstre n'est pas métaphorique; il est pensé, réfléchi sous le regard scientifique. Le monstre relève des sciences de la vie; c'est son aspect organique qui crée un effet de miroir et d'inquiétante étrangeté. Par ailleurs, le projet sera abordé selon trois perspectives qui se complètent : 1. Une perspective historique, dans les champs scientifique et littéraire. Il s'agira de voir dans quelle mesure les modifications épistémologiques depuis la modernité des recherches sur le monstre en science ont modifié, parallèlement, la manière dont les fictions l'ont inscrit dans la narration. 2. Une perspective sociocritique. La connaissance du discours sur le monstre et la monstruosité à travers l'Histoire scientifique moderne vise d'abord à montrer comment l'imaginaire se nourrit des effets de la réalité sociale. 3. Une perspective épistémocritique, qui considère la littérature comme une forme de savoir; il s'agira de montrer comment la littérature transforme, traduit d'autres formes de savoirs (en l'occurrence, dans ce cas, certains savoirs scientifiques).

Type de subvention: 
Date·s de la subvention: 
2014 - 2019