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Figures du texte et nouvelles pratiques esthétiques

Projet de recherche

Période d'activité: 
2008 - 2011
Chercheur principal membre: 

Imaginons un texte que personne ne parvient tout à fait à lire. Un texte dans lequel l’accès aux signes et à leur sens a été en quelque sorte entravé. Ce texte peut avoir été simplement effacé, comme il peut avoir été altéré par une accumulation de notes et de signes, ou encore rendu opaque par l’ajout de fonctionnalités informatiques. Il en résulte alors un « texte » qui est une pure figure du texte : il ne se lit plus, il se donne en spectacle. Les mots n’y ont plus seulement valeur de signes linguistiques, mais aussi d’images ou d’icônes

Notre programme de recherche entend étudier ces figures du texte, du livre et de l’écrit. Il faut dire que leur présence signale une appréhension : la perte redoutée du livre; et elle révèle notre inquiétude face à la situation actuelle, marquée par une double transition : culturelle, par l’ouverture des frontières et la mondialisation des échanges; et technologique, par l’ouverture du réseau Internet, devenu un véritable cyberespace. L’ordinateur n’est plus simplement un outil, mais un dispositif : il s’impose comme un nouveau média. Et c’est à explorer les manifestations de cette situation de transition, qui affecte la culture littéraire et la force à adopter de nouvelles pratiques, que notre programme se consacre.

On tentera, d’une part, de compléter la conceptualisation de ces figures du texte, que d’autres nomment des iconotextes, des œuvres composites, des technotextes ou des textes ergodiques. Pour ce faire, on exploitera le concept de figure, développé lors de recherches précédentes, en cherchant à l’appliquer au texte et à ses manifestations contemporaines; et on explorera les relations entre le texte et l’image au cœur des développements littéraires et artistiques actuels. Dans ce contexte, on reviendra sur certaines distinctions opérées entre figure figurée et figure figurante (Didi-Huberman), et entre figuration et défiguration (Grossman).

On étudiera, d’autre part, la situation de transition qui voit nos pratiques textuelles et littéraires se modifier de façon fondamentale. On analysera, en amont de cette situation, les figures de l’inquiétude portant sur le livre et le texte. Cette analyse s’arrêtera à certains « hypertextes de papier », c’est-à-dire à des formes de remédiation à rebours, ou à la présence, qu’elle soit thématique ou formelle, des formes de l’hypertextualité et de la cyberculture en littérature. Elle portera aussi sur des « livres-écrans », soit des œuvres hypermédiatiques qui reproduisent à l’écran la réalité du livre (à titre indicatif : déjà plus de dix-huit livres-écrans ont été identifiés).

On étudiera, en aval, les nouvelles pratiques esthétiques. Ce sont des expériences qui, à la limite de la littérature et de l’art, exploitent les ressources de l’informatique et proposent de nouvelles formes de littérature. On proposera trois modalités : celles de la trace, de la présence et du flux. Ces modalités permettent de comprendre quelles voies explorent déjà les œuvres hypermédiatiques.

La recherche sera menée sur trois fronts, qui permettent d’instaurer un rapport dynamique entre la théorie et la pratique. Il y a ainsi : un ancrage littéraire, car il s’agit de travailler sur un corpus littéraire en pleine transformation, qui requiert pour être décrit une connaissance et de sa brève histoire et de ses développements récents. Un corpus préliminaire a été constitué, composé de vingt titres – ce sont des romans et des œuvres hypermédiatiques –, mais comme ce corpus est en pleine expansion, un des objectifs du programme est de compléter ce premier repérage; un ancrage théorique, car pour mener à bien ce programme de recherche, il faut parachever la conceptualisation de la notion de « figure », telle qu’elle s’applique au livre et au texte, et développer des instruments d’analyse pour rendre compte des œuvres hypermédiatiques, marquées par les modalités de la trace, de la présence et du flux; un ancrage pragmatique, car une connaissance de ces nouvelles formes ne peut passer que par des situations de lecture expérimentées « de l’intérieur », par une lecture intensive, voire littéraire, des textes et des œuvres. Il faut faire avec les œuvres hypermédiatiques ce que nous faisons déjà avec les textes littéraires, à savoir les donner à lire et à interpréter, seule condition de l’apparition d’une nouvelle culture littéraire, adaptée à la réalité des nouveaux réseaux de communication.