Propulsé par Drupal

La figure spectrale dans les témoignages féminins de la douleur

Projet de recherche

Période d'activité: 
2002 - 2003
Chercheur principal membre: 

Étude de témoignages féminins parus en France et aux États-Unis depuis 1945. Objectifs : poursuite d'un travail amoré sur les témoignages de la Shoah et du sida, dans le but de cerner la parole testimoniale comme parole spectrale, c'est-à-dire comme parole de la survie. Analyse d'états corporels liminaires (la mourance, la toxicomanie, l'épilepsie, etc.) et de leur mise en récit dans le but de cerner la spectralité testimoniale comme processus et mis en scène d'une désubjectivation.

Le projet s'inscrit dans la suite du projet intitulé « La Représentation du féminin dans la littérature du sida (1986-1996) » subventionné par le CRSH (1997-2000). C'est dans ce cadre que la production de sidéens et, plus particulièrement la production testimoniale, a été étudiée. Celle-ci est importante, l'épidémie ayant suscité, chez de nombreux malades, le désir de se raconter. Cette production rappelle le mouvement qui a succédé à la Deuxième guerre mondiale dont sont issus des milliers de témoiganges de déportés. De fait, dans leurs témoignages, nombre de sidéens mettent en parallèle la déportation nazie et le sida, et en particulier la déchéance corporelle causée selon les cas par la maladie et l'internement concentrationnaire. Dans cette perspective, la figure du sidéen rappelle la figure spectrale du « musulman ». Le « musulman », l'homme-momie (selon l'étymologie du mot allemand muselmann), c'est celui qui, dans les camps nais, se laissait mourir après avoir été atteint d'un état de dénutrition et de fatigue tel qu'il lui était impossible de continuer de lutter. Les survivants des camps décrivent le « musulman » comme un cadavre ambulant. Pour Giorgio Agamben, il marque le seuil entre l'homme et le non-homme. En lui, il trouve la figure même du témoignage, non seulement en tant que parole de l'indicible mais en tant que désubjectivation : le témoin est toujours habité, hanté par le non-humain dont il témoigne. La parole testimoniale est une parole spetrale, à la fois présente et absente, vivante et morte. Elle constitue un dit et un non-dit, et en cela elle est une parole de la « sur-vie ». Le projet vise à poursuivre le travail entrepris sur le témoignage dans son rapport à la spectralité. Dans ce but, j'étudie des témoignages féminins de la douleur, publiés depuis 1945.

Objectifs :

  1. Étude des marques de la spectralité dans les témoignages féminins, à partir de l'expression de la douleur telle qu'elle est mise en scène par le corps.
  2. Mise en résonance des résultats obtenus avec ceux de la recherche antérieure consacrée aux témoignages du sida.
  3. Réalisation d'un ouvrage qui cherchera à montrer en quoi la spectralité est constitutive du genre testimonial.