La littérature a toujours puisé dans l'activité scientifique certains modèles et les écrivains s'inspirent parfois de figures canoniques du monde scientifique pour les besoins de la fiction. On s'est beaucoup intéressé aux rapprochements entre les transformations de notre perception du monde, provoquées par les découvertes scientifiques, et la transformation des formes littéraires, surtout dans le monde anglo-saxon. Si les travaux ont démontré depuis deux décennies l'intérêt de ce champ de recherche, on a négligé une figure très imporante de la fiction contemporaine, celle du savant, et l'espace du laboraroire auquel il se voit naturellement rattaché. Ce projet porte sur les rapports de la science au politique dans les textes littéraires à travers cette figure du savant, dans une perspective théorique qui prend en compte des apports de la sociocritique et de la sociologie, de la sémiotique et des théories de l'énonciation.
L'objectif consiste à étudier comment, sur les plans politique et symbolique, le pouvoir de la science (et des scientifiques) est interprété à travers des textes de fiction contemporains, nord-américains et européens, qui intègrent le discours scientifiques à travers la représentation de personnages de savants et l'espace du laboratoire où ils travaillent. Tel qu'il est conçu, ce projet nécessite : une réflexion épistémologique sur la science aujourd'hui et une analyse sociologique; sur le plan littéraire, une lecture à la fois sociocritique et socio-poétique.
Le corpus se justifie par des raisons historiques et épistémologiques. Le séisme provoqué par la Deuxième Guerre, les bouleversements de la cybernétique et de l'ère post-industrielle qui est la nôtre, le développement de la génétique, les métamorphoses de l'environnement, ont radicalement transformé le rôle et la place des sciences dures en Occident. Ceci a d'inévitables conséquences sur la représentation du savant dans les textes. Comme c'est le scientifique contemporain qui est visé par ce projet, le choix des textes est postérieur à 1960, période d'une grande richesse au plan du corpus. Il se justifie par des raisons géographiques et culturelles. L'Amérique du Nord ne vit pas de la même manière que l'Europe de l'Ouest l'ère postmoderne. La Deuxième Guerre a été vécue à distance et le rapport imaginaire à celle-ci est différent. Le pouvoir des scientifiques n'est pas équivalent. Cela explique, dans la perspective d'une lecture sociopolitique des textes, la mise en parallèle de fictions provenant des deux continents pour voir comment peuvent se comparer (ou non) le regard porté sur les scientifiques dans des contextes culturels différents.