Colloque organisé dans le cadre des activités de Figura, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire (site UQAM et antenne Concordia) et du Laboratoire d’ethnocritique et d’anthropocritique de la littérature (LEAL), en collaboration avec la Faculté des Arts et le Département d’études littéraires de l’UQAM
La rencontre a pour objectif d’interroger la place et la fonction qu’occupe, dans la littérature du XIXe siècle, la notion de « convenable », sur laquelle semble s’échafauder toute une constellation de normes régissant la vie en société. Édictant les comportements qui conviennent au Monde et en respectent les convenances, le convenable repose sur un consensus. C’est que ces règles, pour la plupart implicites, ne sont que rarement énoncées de façon claire et supposent tout un appareil de nuances difficiles à saisir : entre le « trop » et le « trop peu », le convenable impose sa loi implacable, qui fait l’unanimité au sein d’un groupe. Aussi, lorsqu’une communauté de personnages dans un roman s’entend pour déclarer « inconvenants » certains gestes, le jugement peut paraître énigmatique ou problématique aux non-initiés. Dès lors, c’est toute la question de l’appartenance au groupe qui se pose à travers le convenable.
Les règles auxquelles se conformer ne sont pas les mêmes pour tous. Elles dépendent des classes, de l’âge, du genre, mais aussi plus subtilement des milieux, des positions : les femmes (reines du foyer) et les hommes (acteurs de la vie publique) doivent obéir à des règles de convenance différentes, et dont la sévérité et la précision varient considérablement; la domestique n’a pas à adopter les mêmes comportements que Madame pour être convenable; la convenance de l’ouvrier ou celle de l’intellectuel sont bien distinctes, presque mutuellement exclusives; les dandys ou les artistes se définissent par l’inconvenance, laquelle devient à son tour une norme attendue. Le convenable apparaît alors comme une notion toute relative, et les rapports avec lui fluctuent grandement, du culte déférent au rejet le plus total. C’est dire la difficulté de voyager d’un groupe à l’autre sans heurts, l’appareil de convenances semblant destiné à assurer que tout un chacun s’insère à sa place.
Il s’agira d’examiner la présence et le traitement de ces problématiques dans les textes littéraires du XIXe siècle, moment où la pression du convenable paraît insoutenable, et de penser leurs implications poétiques ou esthétiques tout autant que sociales ou politiques. Le thème du convenable permettra d’explorer la manière dont la littérature joue avec la norme établie par la vie en communauté, en expose les grands principes, dialogue avec elle, la remet en question, en revisite les fondements et les certitudes, en explore les seuils et les marges. De là émergera une réflexion sur le regard singulier que la littérature porte sur les codes culturels ainsi que sur la façon dont elle se construit autour d’eux, avec eux, à partir d’eux ou contre eux. Et si le personnage est l'une des figures qui permet d’articuler cette question des convenances, elle n'est pas la seule, la question pouvant tout aussi bien opérer via d'autres figures (le texte, l'auteur, le lecteur). Car à travers le travail qu’elle fait subir au convenable, la littérature se trouve à se dire elle-même. C’est là le pari de notre colloque.